Pas de doute, Larry King est un conteur. Et avec une carrière qui dure depuis plus de 50 ans, ce ne sont pas les anecdotes qui manquent. Devant une salle Maisonneuve remplie, le célèbre intervieweur de CNN est venu partager quelques-uns de ses souvenirs d'enfance devant un public conquis d'avance.

Aux États-Unis, Larry King est un véritable phénomène, à classer dans la même catégorie que Barbara Walters, des intervieweurs boulimiques qui collectionnent les invités prestigieux et qui ont vécu presque tous les moments marquants du siècle dernier (ils sont rares ceux qui peuvent se vanter d'avoir interviewé Malcolm X, Frank Sinatra et Bill Clinton, en plus d'avoir été témoins de la découverte du vaccin contre la polio ainsi que de la fin de la Seconde Guerre mondiale...)

Lauréat de nombreux prix, dont un Emmy, Larry King a commencé sa carrière à la radio, en Floride, à l'âge de 22 ans. Hier soir, il a raconté qu'un de ses premiers boulots avait été d'animer une émission de nuit qui se terminait à 6h le matin. Ses conseils aux jeunes qui veulent percer dans le métier? «Acceptez tout, même d'être concierge dans une station de radio, si c'est vraiment là que vous voulez travailler dans la vie.»

Entré à CNN en 1985 (il y a célébré son demi-siècle de carrière en 2007), Larry King a été surnommé «Master of the Mike» (le maître du micro) par le magazine Time. Rares sont les leaders politiques des dernières décennies qui ne se sont pas confiés à lui, et il a reçu pratiquement toutes les vedettes de l'heure à son émission (c'est au micro de Larry King Live que Céline Dion a lancé son désormais célèbre «Take a kayak!»). L'animateur au look très distinctif (il porte toujours des bretelles et il aime bien rouler les manches de sa chemise) a également interviewé tous les présidents des États-Unis depuis Richard Nixon.

Larry King est aussi champion des émissions marathon: 20 jours de suite en ondes après l'ouragan Katrina, 29 jours lors de l'invasion en Irak en 2003, à une époque où les gens ne pouvaient se tourner vers Twitter et l'internet pour obtenir de l'information.

Plus tôt dans l'après-midi, devant une poignée de journalistes réunis dans un hôtel du centre-ville de Montréal, il a commenté les nombreux changements qui transforment le paysage médiatique depuis quelques années. Il se réjouit de l'instantanéité de la nouvelle qui nous parvient par l'internet durant la journée, même s'il regrette l'effet néfaste que cette vitesse peut avoir sur les journaux.

«J'adore lire mes journaux le matin, a-t-il confié, mais honnêtement, je ne lis jamais une manchette qui me surprenne.» Par contre, il déplore le fait qu'on ne prenne pas toujours le temps de vérifier toute l'information avant d'aller en ondes.

Tableau de chasse

Parmi les personnalités québécoises qu'il a interviewées, c'est Pierre Elliott Trudeau qu'il a le plus aimé. «Mais vous savez que vous êtes vieux lorsque les rues et les aéroports portent le nom de gens que vous avez connus», a-t-il lancé à la blague. Parmi les célébrités qui manquent à son tableau de chasse: Fidel Castro (Ted Turner, ancien propriétaire de CNN et ami de Castro, serait sur l'affaire), Bruce Springsteen et le pape...

Après toutes ces années, Larry King ne s'explique toujours pas son grand succès d'intervieweur. «Sans doute parce que les gens sentent que je suis intéressé et que je vais les écouter», suggère-t-il. Il ne supporte toutefois pas ce qu'il nomme le «I Journalism» (le journalisme au «je»), «ces journalistes qui n'arrêtent pas de se placer au centre de leur histoire. Quand on est journaliste et qu'on fait comme moi des entrevues, on n'a pas à prononcer le «je».

L'avenir de Larry King, qui aura tout de même 77 ans en novembre, n'est pas tout à fait défini à l'heure actuelle. Il animera sa dernière émission le 16 décembre prochain et on sent que ce départ l'attriste. C'est le Britannique Piers Morgan (un ancien du tabloïd anglais News of the World) qui doit reprendre sa case horaire de 21h. Pour l'instant, Larry King se contente de dire qu'il animera des émissions spéciales à CNN. Chose certaine, il ne semble pas du tout blasé ou fatigué de pratiquer son métier. «Je vais m'ennuyer, c'est certain. Que vais-je faire le soir du 17 décembre?»

Larry King était invité dans le cadre d'une collecte de fonds organisée par la Fédération CJA qui offre divers services à la communauté juive de Montréal.