La survie du Conseil de presse est menacée si Quebecor maintient sa décision de s'en retirer, a affirmé hier le président de l'organisme, John H. Gomery. Le juge à la retraite tentera d'ailleurs de convaincre le PDG du groupe de presse, Pierre Karl Péladeau, de revoir sa position à une rencontre prévue le 15 juillet.

«L'absence de l'un des plus grands médias d'information parmi nos membres remet en question notre crédibilité, notre financement et notre utilité. De notre point de vue, c'est impensable que ce grand joueur sur la scène médiatique du Québec n'ait de comptes à rendre à personne», a déclaré M. Gomery lors d'un point de presse, hier.

Le Conseil de presse est un organisme à but non lucratif qui agit à titre de «tribunal d'honneur» des médias québécois. Il a été créé il y a 36 ans pour traiter les plaintes des citoyens sur le travail journalistique. Il vise à promouvoir le droit du public à l'information et la liberté d'expression, mais ses décisions n'ont pas force de loi.

Le 29 juin dernier, Quebecor a fait parvenir une lettre au Conseil de presse pour annoncer que le Journal de Québec et le Journal de Montréal cessaient d'être membres en raison «d'insatisfactions accumulées».

La missive, signée par le président des journaux régionaux de la Corporation Sun Media, Charles Michaud, invoque le caractère «arbitraire» de récentes décisions défavorables aux journaux de Quebecor. L'entreprise rejette également le mandat de réflexion sur la qualité de l'information au Québec que s'est donné le Conseil. Par ailleurs, Quebecor refuse que des plaintes relatives aux blogues puissent être entendues.

Rappelons que, en 2008, les médias électroniques de Quebecor (TVA, LCN et le Canal Argent) s'étaient déjà retirés de l'organisme. Pour l'instant, les hebdomadaires de Quebecor n'ont pas signalé leur intention de faire de même.

M. Gomery craint que le retrait de Quebecor ne force l'État québécois à réglementer la pratique journalistique, ce qui pourrait nuire à la liberté d'expression, croit-il. «S'il n'y a pas de Conseil de presse, quelle est l'alternative? Est-ce que ça va exiger une action gouvernementale? Évidemment, nos membres ne veulent pas une loi qui va changer le statut des médias [...] Ça soulève beaucoup de questions.»

Pour l'instant, le Conseil continuera de recevoir et d'étudier les plaintes des citoyens à l'égard de la couverture journalistique du Journal de Québec et du Journal de Montréal.

«Nous allons continuer d'agir dans l'avenir immédiat. Mais à long terme, c'est difficile à prévoir», a affirmé M. Gomery. «Est-ce que l'on peut continuer à avoir la crédibilité que l'on souhaiterait avoir en l'absence d'un média qui représente jusqu'à 40% des médias du Québec? L'absence du Journal de Montréal ne cause pas la fin du Conseil de presse, mais à long terme, ça le met en danger.»

Les membres qui désirent se retirer du Conseil de presse doivent le signaler un an d'avance. Si M. Péladeau garde le cap, l'organisme demandera à Quebecor de maintenir sa contribution financière, qui se chiffre à 45000$ environ.

Le porte-parole de Quebecor, Serge Sasseville a affirmé que Quebecor n'avait pas de commentaires à faire pour l'instant sur le dossier, mais que l'entreprise avait «exprimé sa réaction» en début de soirée, hier, dans une lettre transmise au Conseil de presse.