À l'heure où les médias se demandent comment créer une identité sur le web, le site web Le Monde.fr semble avoir trouvé une formule qui fonctionne. De passage à Montréal la semaine dernière, la rédactrice en chef, Celia Mériguet, est venue expliquer que Le Monde.fr, une entité différente du quotidien papier, est même rentable. La recette? Un mélange de contenu payant, beaucoup d'interactivité avec les lecteurs et des revenus publicitaires qui comptent pour 60 % de leurs revenus.

À lui seul, le site emploie une cinquantaine de journalistes, dans une salle de rédaction distincte de celle de l'édition papier. Une petite équipe (le Newsdesk, un nom tellement français...) de cinq personnes fait le pont entre les deux salles afin d'éviter les doublons et d'harmoniser les contenus. Sur le site qui, disons-le, n'est pas facile à comprendre en un coup d'oeil, on trouve des articles, des reportages approfondis ainsi que des dossiers de grande envergure. Mais Le Monde.fr ne veut pas se limiter aux contenus écrits et a aussi commencé à produire des documentaires pour le web, une avenue sur laquelle la rédaction aimerait miser davantage au cours des prochaines années.

«Les journalistes de l'édition papier commencent à s'ouvrir à la possibilité d'écrire pour le web, mais ce n'est pas évident, car ce sont deux cultures et deux façons de travailler différentes», reconnaît Celia Mériguet, qui occupe son poste depuis mars dernier seulement.

Contenu payant

Il existe plusieurs façons d'accéder aux contenus de Monde.fr: une première porte d'entrée permet de consulter gratuitement les actualités générales, mais il vous faudra payer 6 euros par mois (environ 7,50 $) pour avoir accès à de l'information plus complète et faire partie d'une communauté virtuelle composée de lecteurs qui commentent les textes des journalistes, animent des blogues personnels, etc. «Plusieurs études ont démontré qu'environ 4 ou 5 % de la population au plus est prêt à payer pour des contenus en information, observe Celia Mériguet. Voilà pourquoi nous offrons une partie de notre contenu gratuitement. Ensuite, le défi, c'est de garder les internautes le plus longtemps possible sur notre site.»

C'est d'abord pour s'informer qu'on consulte Le Monde.fr (durée moyenne d'une visite: sept minutes). Pour attirer les gens et les garder, la rédaction mise beaucoup sur l'interactivité ainsi que sur sa page Facebook, une autre porte d'entrée qui mène l'internaute vers le site d'information. «À la réunion du matin, notre premier point à l'ordre du jour n'est pas: «Quelle est l'actualité aujourd'hui?» mais plutôt: «Que disent nos lecteurs? De quoi parlent-ils?» Nous sommes très à l'écoute de ce qu'ils écrivent», explique Mme Mériguet.

N'y a-t-il pas un danger à faire un journal en fonction des souhaits ou des exigences du lectorat? «Non, répond avec conviction la rédactrice en chef. Nous savons qui nous sommes et il n'est pas question de perdre notre identité. Mais si, à la suite d'un reportage, des lecteurs nous disent que nous n'avons pas traité tel ou tel angle, alors oui, nous écoutons.»

L'interactivité avec les lecteurs va plus loin encore et s'inscrit tout à fait dans l'esprit participatif qui caractérise le web 2.0. «Parmi les quelque 5000 abonnés qui bloguent sur Le Monde.fr, certains lecteurs attirent parfois l'attention de l'équipe de rédaction, qui met leur blogue en vedette. Avec le temps, certains blogueurs sont même devenus des réguliers», ajoute Mme Meriguet.

Toujours dans cet esprit d'interaction avec les lecteurs, Le Monde.fr s'apprête à embaucher un éditeur de médias sociaux (le New York Times l'a fait l'an dernier). Son rôle sera non seulement de conseiller les journalistes de la salle de rédaction mais aussi d'animer les réseaux tels Facebook et Twitter (beaucoup moins populaire en France que chez nous, le site de microblogage compte seulement 127000 comptes actifs, contre 17 millions de pages Facebook). «Cet éditeur agira comme un animateur de radio toute la journée en diffusant des contenus mais aussi en dialoguant avec nos lecteurs. Pour l'instant, notre compte Twitter est un banal fil RSS. Il faut lui donner une personnalité, en faire quelque chose de plus vivant.»

«Le web est devenu social, conclut Celia Mériguet, et en tant que média, nous devons être dans ce mouvement-là.»