Le journaliste Alexis Deschênes quittera son poste de reporter à l'Assemblée nationale pour le réseau TVA. Dès la fin du mois d'août, ce jeune père de trois enfants âgés de 1, 3 et 5 ans retournera sur les bancs d'école. À l'âge de 32 ans, il a décidé d'aller étudier le droit à l'Université Laval. «Si tout se passe selon mes plans, je devrais être avocat à l'automne 2013», lance-t-il.

Bien sûr, la question qui vient tout de suite à l'esprit concerne le climat actuel dans la salle de nouvelles de TVA. Les négociations difficiles dans le but de renouveler la convention collective, jumelées à l'avenir qui se profile pour les journalistes de TVA (travail multiplateforme, intrusion éventuelle de l'agence QMI dans la salle de nouvelles, etc.), ont-elles influencé la réflexion d'Alexis Deschênes?

Le principal intéressé répond qu'il est bien entendu inquiet des conditions actuelles dans lesquelles son métier se pratique, mais il ajoute que sa remise en question est plus profonde. «Au fond, je réalise que le journalisme n'a jamais su combler toutes les facettes de ma personnalité, explique Alexis Deschênes. Le métier de journaliste m'a beaucoup appris à écouter, à faire des nuances, mais, maintenant, je veux m'engager davantage. J'en ai assez du devoir de réserve qui s'impose, j'ai envie de dire ce que je pense, de plaider des causes qui me tiennent à coeur.»

La décision d'un reporter de quitter la profession n'est pas la fin du monde, on s'entend. Des milliers de personnes changent de travail chaque année et, au fil des ans, plusieurs journalistes ont quitté le domaine des médias pour se diriger vers les relations publiques ou encore vers la politique (les cas les plus récents: Gérard Deltell, pour l'ADQ, et Bernard Drainville, pour le PQ).

Ce départ serait-il symptomatique d'un malaise plus profond dans la profession? La crise qui frappe les médias, les conditions financières difficiles dans l'industrie et les nombreux conflits de travail ont suscité un questionnement chez plusieurs journalistes, confirme Alexis Deschênes.

«Depuis que j'ai dit à certaines personnes dans mon entourage que j'étais en réflexion, plusieurs m'ont dit qu'ils songeaient à leur avenir. Et pas seulement à TVA, dans les autres médias aussi.»

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec ne tient aucune statistique sur les changements de carrière de ses membres et encore moins sur leurs états d'âme. Du côté de l'Association des journalistes indépendants (AJIQ), toutefois, on observe un certain découragement. Son président, Nicolas Langelier, va même jusqu'à parler d'une véritable fuite des cerveaux.

«Dans le milieu du journalisme indépendant, plusieurs personnes partent à cause des conditions dérisoires, souligne-t-il. Ils vont en communications publiques, en relations de presse ou alors changent carrément de domaine. Ce sont des gens intelligents avec un bagage incroyable. Leur départ est une perte et je crois qu'il y a lieu d'être inquiet. Ce n'est jamais bon pour une démocratie quand des journalistes de talent s'en vont.»