Les patrons de l'information de Radio-Canada ont beau se réjouir de la restructuration du service des nouvelles, les employés de la radio, eux, envisagent leur déménagement chez les collègues de la télé avec beaucoup d'appréhension.

«Nous travaillons avec la direction pour essayer de faire une intégration harmonieuse, mais il est certain que les employés de la radio sont inquiets», confirme Alex Levasseur, président du syndicat des communications de Radio-Canada.

Chez les principaux intéressés, le moral est à la baisse. «C'est un véritable traumatisme, confie un employé de la radio qui préfère garder l'anonymat. Ce n'est pas seulement la fin de notre entité, c'est la fin de notre identité.»

Le déménagement de la salle de radio dans le Centre de l'information (CDI) doit avoir lieu durant la fin de semaine du 5 et 6 juin prochain. Malgré les comités de transition mis sur pied pour aplanir les difficultés et planifier la transition, l'inquiétude demeure grande, même si personne n'accepte de le dire à voix haute de peur d'être stigmatisé. «Disons que la direction souhaite une grande adhésion à son projet et que, par le passé, ceux qui ont osé critiquer ont subi des représailles», remarque un autre employé de la radio qui ne souhaite pas être identifié lui non plus.

Rappelons qu'en début de semaine, les patrons de l'information, Alain Saulnier et Jean Pelletier, présentaient leur nouveau modèle de salle de nouvelles intégrée devant les représentants de la Communauté de télévisions francophones, à Québec. Un participant avait alors demandé comment réagissaient les journalistes à cette restructuration, ce à quoi Alain Saulnier, directeur général de l'information, avait répondu que l'air du temps aidant, les gens se bousculaient pratiquement aux portes pour proposer des projets.

Il semble que la réalité ne soit pas aussi rose et, surtout, que l'enthousiasme des patrons ne soit pas partagé par tous. À la radio, c'est clair, on craint de devenir un média de seconde zone.

«La télévision c'est un monstre, note le premier employé. On a peur de devenir le faire-valoir de la télévision ou pire, d'être complètement avalés.»

Son collègue craint que les reportages télé passent toujours en premier et qu'on se questionne ensuite sur ce qu'on fera pour la radio. «Or nous n'avons ni les mêmes besoins ni les mêmes façons de travailler, note-t-il. On peut décider de faire un reportage pour la télé au détriment de la radio qui devra se contenter d'un direct. Cette éventualité nous fait peur.»

À titre d'exemple, les deux employés citent les bulletins de nouvelles radio, où on entend de plus en plus des reportages télé présentés la veille au Téléjournal. «Les patrons insistent pour dire qu'il est important de conserver la personnalité de chaque média, mais dans les faits, on assiste déjà à une certaine uniformisation», observe-t-on.

«La radio ce n'est pas de la télévision sans image», note pour sa part le président du syndicat, Alex Levasseur.

Notons que ce n'est pas la première fois que le service des nouvelles de Radio-Canada subit de grandes transformations. «Jusqu'en 1994, les deux salles étaient côte à côté, au niveau B et tout se passait bien, se souvient un des deux employés, à l'emploi de la société d'État depuis plusieurs années. Puis en 1995, on nous a déménagés dans un lieu infect et sans fenêtre, niveau A, et la télé était à des lieues de nous. Puis maintenant, ce changement. Retournez dans les archives, vous verrez: en 1965, dans un article du Photo-Journal daté du 30 décembre, on parlait de la «désintégration» entre la radio et la télé. Le titre de l'article: la radio retrouve son autonomie.» Comme quoi, plus ça change...