Le scandale des commandites, celui des compteurs d'eau, les questionnements entourant la nomination des juges au Québec sont tous le fruit de longues enquêtes réalisées par des journalistes chevronnés. Et pourtant, malgré l'importance de ce travail, les salles de rédaction ont connu en Europe comme aux États-Unis des mises à pied massives au cours des dernières années. Résultat: les médias ont moins de ressources, humaines et financières, pour financer les enquêtes de longue haleine.

C'est dans ce contexte que le Bureau of Investigative Journalism a ouvert ses portes à Londres, lundi dernier.

Le Bureau, qui n'est rattaché à aucun média, est dirigé par un ancien producteur de la BBC et emploie des journalistes d'enquête issus des grands médias britanniques, une vingtaine de jeunes journalistes fraîchement diplômés des écoles de journalisme, ainsi que des stagiaires issus de la City University, où sont situés les locaux du Bureau.

Les entreprises de presse, habituellement très jalouses de leur indépendance et de leurs primeurs, accepteront-elles de collaborer avec cette unité d'enquête nouveau genre? Ses dirigeants sont confiants. «Nous avons déjà sept enquêtes en cours, affirme le directeur du Bureau, Iain Overton, joint par téléphone au lendemain de l'inauguration officielle. Est-ce que ça marchera? Je crois que nous seront jugés uniquement sur le résultat de nos enquêtes. Il faut qu'on sorte des grosses histoires et les autres médias verront que nous sommes sérieux.»

Le modus operandi du Bureau of Investigative Journalism est très flexible et offre plusieurs possibilités aux médias qui souhaitent collaborer avec lui. «On pourrait par exemple s'associer 50-50 dans une grande enquête avec le Financial Times, explique M. Overton. Nous fournirions des journalistes, ils fourniraient les leurs et, à la fin, nous pourrions produire un documentaire qui serait diffusé le même jour que l'enquête publiée dans le Financial Times afin de donner encore plus de poids à notre enquête.»

M. Overton insiste sur le fait que sa salle de rédaction est complètement indépendante, entièrement financée par une fondation privée.

«Nous sommes un organisme à but non lucratif, souligne-t-il. Tous les profits qui viendraient de la vente d'un documentaire, par exemple, seront réinvestis dans des enquêtes.»

Les enquêtes du Bureau pourraient même dépasser les frontières de l'Angleterre. «Nous pourrions collaborer avec un média canadien sur un aspect de la situation en Afghanistan, par exemple. Nos deux pays ont des intérêts communs dans ce dossier.» Dans d'autres cas, le Bureau peut aussi lancer ses propres enquêtes et les offrir ensuite gratuitement aux médias intéressés.

C'est cette approche, basée sur l'intérêt public avant tout, qu'a adoptée ProPublica, agence de journalisme d'enquête fondée en 2007 aux États-Unis. Financée elle aussi par une fondation, cette salle de rédaction indépendante est établie à Manhattan et dirigée par l'ancien patron du Wall Street Journal Paul Steiger. Elle emploie une trentaine de journalistes, dont des anciens reporters du New York Times et du magazine Fortune.

«Avec les dizaines de milliers de mises à pied de journalistes au cours des dernières années, plusieurs salles de rédaction n'ont plus les moyens de faire de l'enquête, a noté Paul Steiger dans une entrevue accordée à All Things Digital, l'an dernier. Nous leur offrons donc nos enquêtes. Notre mandat est simple, nous nous intéressons à tout ce qui a du pouvoir: gouvernements, syndicats, écoles, hôpitaux, médias, etc.»

Récemment, ProPublica a même lancé un appel à tous pour recueillir des témoignages en lien avec la crise des prêts hypothécaires. Elle a ensuite jumelé les participants avec des journalistes un peu partout aux États-Unis afin qu'ils relatent leurs histoires dans les médias locaux. «Si on considère les médias généralistes comme des magasins à rayons où on trouve de tout, observe Paul Steiger, alors il faut voir ProPublica comme une boutique qui offre des services spécialisés.»

Jusqu'ici, les enquêtes de ProPublica ont été publiées dans le New York Times, The Washington Post, 60 Minutes, CNN, etc.

Les sites

thebureauinvestigates.com

propublica.org