Policier catapulté auteur vedette en quelques mois à peine, Romain Puértolas a connu à l'automne 2013 un succès aussi immense qu'inattendu avec L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea, premier roman diffusé dans 36 pays et en cours d'adaptation au cinéma. Il est de retour cet hiver avec un autre livre aux rebondissements farfelus et au titre improbable: La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel, dans lequel le personnage principal, une factrice du nom de Providence Dupois, apprend à voler.

L'ex-lieutenant de la police frontalière, que nous avons joint à Malaga, en Espagne, n'est pas stressé outre mesure par l'accueil de ce deuxième roman. Celui qui a écrit plusieurs manuscrits - tous refusés - avant d'être enfin publié aux éditions Le Dilettante ne connaît pas la pression.

«J'écris ce qui me passe par la tête sans me poser de questions sur ce que les gens veulent... Après Le fakir, je n'avais qu'une envie, c'était de repartir en voyage avec des personnages attachants, colorés, et leur faire vivre quelque chose d'exceptionnel et d'extraordinaire. J'espère que les lecteurs auront envie de faire ce voyage avec moi.»

L'auteur de 39 ans, qui a pratiqué 1000 métiers, est un fabulateur qui aime inventer des histoires, même sur sa propre vie: il a raconté maintes fois qu'il avait écrit Le fakir sur son téléphone portable et même sur ses vêtements. La petite fille, elle, serait née en grande partie sous la douche... «J'avais des idées en me douchant, je n'écrivais pas littéralement sous l'eau! dit-il en rigolant. C'est juste une autre manière de dire que j'écris tout le temps, c'est une fantaisie. Mais il y a toujours du vrai dans ce que je raconte dans mes bios.»

Ce qui est vrai, par exemple, c'est qu'il a diffusé sur YouTube des capsules intitulées Trickbuster, dans lesquelles il démonte des trucs de magiciens ainsi que ceux des pickpockets, des voyants et du paranormal en général. «J'aime l'illusion, dit-il, tant que les gens savent que c'est de l'illusion. Il y a une entente entre le magicien qui fait disparaître un éléphant et les spectateurs qui font semblant d'y croire parce qu'ils ont envie d'être émerveillés. Mais j'ai toujours lutté contre la croyance aveugle et ceux qui en profitent. C'est mon petit combat à moi.»

Ce contrat entre le magicien et le spectateur, c'est un peu celui qui lie l'auteur et le lecteur. «C'est vrai, l'écrivain essaie de changer la réalité, de faire croire à des choses qui n'existent pas», dit Romain Puértolas, qui manie l'illusion avec enthousiasme, montre le décor et son envers. Si son fakir était une espèce d'escroc sympathique, il pousse la note encore plus loin dans La petite fille, avec l'histoire d'une jeune femme qui apprend à voler parce que le jour où elle doit partir pour le Maroc chercher la petite fille qu'elle a adoptée, les avions sont cloués au sol à cause du nuage de cendre craché par un volcan islandais.

La vraisemblance est donc ici le cadet de ses soucis, comme s'il s'était demandé quelle était la chose la plus incroyable qu'il pourrait écrire, et jusqu'où les gens seraient prêts à le suivre. «Mais n'est-ce pas la chose que les humains ont toujours le plus voulu, apprendre à voler?», demande-t-il. Il ajoute qu'on a toujours besoin de transformer la réalité pour se protéger. «Car elle est réaliste, cette histoire. À la fin, on comprend tout.»

Mieux vaut rire que pleurer, et les gens «ont besoin de voir la vie autrement pour s'évader des choses tristes qui les accablent tous les jours», dit l'homme qui s'est toujours échappé dans un monde imaginaire pour supporter ce qui ne lui plaît pas dans le réel. Dans ses livres, par exemple, les frontières et les classes sociales ne sont jamais un obstacle. «Je suis optimiste et je ne me prive pas de modifier les choses dans mes livres, ce qui est impossible dans la vraie vie.»

Résultat: des récits absurdes à l'humour parfois lourd mais tellement assumé qu'on rit quand même aux jeux de mots vaseux mais drôles par leur côté bon enfant. Dans La petite fille, Barack Obama saute dans l'Air Force One pour aller décorer Providence Dupois en plein ciel, un marabout africain se fait appeler Maître Hué parce que les Chinois ont la cote, des moines tibétains trouvent un sens à leur vie dans les paroles des chansons de Julio Iglesias. Entre autres choses.

«C'est une réalité qui me fait sourire. Les gens sont trop sérieux... J'aimerais bien en rencontrer, des moines qui écoutent du Julio Iglesias!»

Changer de vie

Alors qu'il vient de terminer le scénario du Fakir - un réalisateur a été choisi et le projet «suit son chemin» -, Romain Puértolas, toujours «en congé» de la police, travaille à plusieurs projets, dont, bien sûr, un nouveau roman. Il espère maintenant vivre de sa plume et reviendra bientôt - si son éditeur le veut bien - avec une nouvelle histoire farfelue qui mélange fiction et réalité. «Quelque chose de frais, de léger, de marrant... et puis qui passe de petits messages, mais toujours avec humour.»

Dans La petite fille, Romain Puértolas veut montrer qu'on n'est jamais enfermé quelque part, qu'on n'est jamais obligé d'être une victime. «La meilleure solution est de changer de vie si quelque chose ne va pas. Moi, c'est ce que j'ai toujours fait. Il ne faut pas avoir peur de se remettre en question, c'est ça, la recette du bonheur.» La recette, en tout cas, a été payante pour lui, qui a encore l'impression d'avoir gagné le gros lot des écrivains.

«Il y a tellement peu de chances de gagner à cette loto! Alors quand vous êtes publié, que vous vivez un énorme succès, c'est merveilleux, bouleversant.» Mais il a rempli sa grille, comme il dit, faisant ainsi sa chance. «C'est vrai, j'ai joué. Alors que je n'ai jamais joué au loto de ma vie!»

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La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel

Romain Puértolas

La Dilettante

256 pages