Je vous le dis tout de suite, pour ma dernière lecture j'ai fait usage d'un signet illégitime. Un signet non officiellement reconnu. Donc, un bout de papier, une facture ou le bout d'une cravate (j'étais mal pris).

Pour Dernier voyage à Buenos Aires, j'ai «signeté» avec la carte professionnelle d'un promoteur qui me l'avait donnée et c'était vraiment pas nécessaire (comme 80% des transactions de carte d'affaires) et plus tard, avec celle de Guy Lafleur en 1990-1991 avec les Nordiques.

D'ailleurs, je n'ai aucun souvenir de m'être déjà acheté un signet ou d'en avoir pris un gratuitement quelque part. Je crois qu'il doit en exister sept ou huit et qu'ils circulent dans la vie. C'est le genre de choses qui gravite en société et qui se pose dans une existence par hasard, qui reste quelque temps et qui repart, un peu comme des trombones ou Dick Rivers. Il me semble que Dick fait un petit saut dans nos vies tous les cinq ans avec une compilation, je sais pas, c'est peut-être moi...

En fait, c'est moi. Je suis en France depuis le début de mai et, de Montréal, j'ai pris le même avion que Dick Rivers. Et Jean-Luc Mongrain. Je sais que je m'éloigne du sujet, mais avouez que c'est un power-trio! Et tellement inédit.

Qui s'est déjà dit: Ah, je prendrais une bonne bière avec Jean-Luc Mongrain, Louis-José Houde et Dick Rivers! Quoique très hétéroclite, l'ensemble s'avérerait d'une efficacité redoutable. Avec nos champs de compétence si variés, nous pourrions assumer la gestion complète de notre propre microsociété. Mais j'ai un feeling que Jean-Luc serait responsable de la plupart des dossiers.

Dernier Voyage à Buenos Aires prend place à Paris, en fait. Au milieu des années 60 et au début des années 70. Américain, le jeune Jefferson Woodbridge s'y trouve dans le but d'y amorcer une carrière littéraire. Travailler mollement à son premier roman, flâner en terrasse, tenter de se faire des relations sont ses principales occupations. Tout le monde peut se retrouver dans le volet «se faire des relations». Woodbridge gravite autour de personnalités littéraires en vue et tente parfois de passer à l'intérieur du cercle.

Étant moi-même à Paris pour une série de spectacles, entretenant une petite carrière française entreprise l'an dernier, je me vois ici retomber au bas de l'échelle professionnelle et j'avoue que l'écriture de Robitaille m'a aidé à prendre le tout avec recul et humour.

J'ai eu une petite discussion animée avec un Parisien, récemment, et oh! qu'il aurait été facile de l'assommer... Mais je me suis commandé un whiskey, me suis installé au bar, indifférent, et me suis fait penser à un personnage secondaire du roman que j'étais en train de lire. J'étais presque cool, je vous jure.

Il est plutôt commode de lire un roman qui se passe dans la ville où on se trouve. J'ai involontairement poussé l'expérience au maximum un midi, installé dans un restaurant en lisant un passage du livre qui prenait place en 1966 dans le même restaurant où je me trouvais.

Et jugez-moi si vous voulez, mais oui, il s'agit d'un personnage de FICTION et j'ai quand même levé la tête en parcourant le resto du regard en espérant secrètement apercevoir Woodbridge attablé dans le coin, 47 ans plus tard, me faire un signe de tête en disant: ouais, le service est un peu lent...

J'ai aussi cherché Magda, l'amoureuse allemande de Jefferson, en vain, mais au fond, je crois que je cherchais l'époque au complet. Le Paris raconté ici est rassurant, un peu aérien, ralenti; il donne le goût d'être à Paris. Buenos Aires, elle, sera en effet le dernier voyage de Woodbridge. Moins aérien.

Eh ben voilà... (ils disent toujours ça ici, eh ben voilà...) Voilà, voilà... (quand ils ne savent pas comment finir leur phrase, ils mettent deux «voilà»).

Pour ma part, je m'excuse d'avoir encore une fois emprunté le bon vieux cliché de comparer un signet à Dick Rivers...

Bonne lecture.