Dans le palmarès de mes auteurs de polars contemporains favoris, R. J. Ellory figure incontestablement dans le peloton de tête au côté des Connelly, Burke, Mankell, Nesbø, Crais, Lehane, Child, et autres ténors du genre. J'ai été convaincu de son immense talent dès la parution de Seul le silence, en 2008, estomaqué par Vendetta (2009), son chef-d'oeuvre et probablement le meilleur roman sur la mafia (avec Le Parrain, de Mario Puzo), et intrigué par Les Anonymes (2010), récit d'espionnage sur les sordides magouilles de la CIA en Amérique centrale.

Avec Les Anges de New York, il s'attaque à une nouvelle figure de la mythologie américaine: la police de New York, une thématique déjà explorée par des auteurs comme Robert Daley (Le Prince de New York) et Ed McBain (toute la saga du 87e district).

Ça va mal pour Frank Parrish, inspecteur de police du NYPD, solitaire, alcoolique, obsédé par son métier! Son partenaire a été tué dans des circonstances horribles, il est l'objet d'une enquête des affaires internes, sa femme l'a quitté, ses enfants le boudent, ses relations avec la hiérarchie sont tendues et il doit consulter une psychologue de la police pour tenter de résoudre ses nombreux problèmes, dont celui (le plus épineux de tous) de sa relation passée avec son père, mort assassiné après avoir été une figure légendaire des Anges de New York, des flics d'élite réputés pour avoir nettoyé Manhattan de ses gangs.

Alors que Parrish se débat au milieu de ses problèmes existentiels se présente une affaire en apparence banale: le meurtre d'un jeune dealer, abattu en pleine rue. La routine, quoi! Mais quand la jeune soeur du voyou est retrouvée étranglée, ce qui aurait pu n'être qu'un simple fait divers devient une affaire plus complexe. Parrish est convaincu qu'un tueur en série est à l'oeuvre et se met en chasse.

En alternance avec les différentes étapes de cette enquête, riche en suspense, qui obsède et inquiète le personnage principal, nous avons droit à une série d'entretiens avec sa psychologue, au cours desquels il va lui raconter la véritable histoire des «anges». À travers ce récit tout à fait passionnant, c'est toute une partie de l'histoire de la ville qui est évoquée, notamment la construction de l'aéroport JFK et les incroyables transactions criminelles qui ont présidé au projet.

Les Anges de New York est une oeuvre paradoxale. À bien des égards, c'est un polar passionnant, où Ellory déploie avec brio ses multiples talents de conteur et de styliste, voire d'historien (les pages sur New York sont remarquables). Par ailleurs, soyons honnête, il n'y a pas grand-chose d'original dans cette histoire qui accumule sans vergogne les cas de figure les plus convenus du genre: le flic marginal, grand buveur, obsédé par son boulot, un tueur de jeunes femmes, etc.

Mais ce qui distingue le véritable écrivain du tâcheron de service, le chef du marmiton, c'est l'art subtil d'accommoder les restes. Malgré une impression parfois gênante de déjà-lu, un dénouement un peu précipité et quelques longueurs dans la deuxième partie, ce roman est bien plus qu'un banal récit de procédure policière. C'est le portrait flamboyant d'un homme sincère, malheureux, torturé, en quête de justice et confronté à un terrible dilemme: sachant que la vie d'une personne en dépend, un policier peut-il refuser d'obéir aux ordres et agir en dehors des règles, au risque de perdre son boulot? La réponse est dans les dernières pages...

Les anges des New York, de R. J. Ellory. Sonatine, 556 pages, 34,95$

*** 1/2