Quand on est médecin légiste et généraliste dans une petite ville de province française, on peut avoir envie de prendre l'air. 

C'est ce qui arrive à Charlie Lhombre, boursier pour un stage d'un an au Centre de recherches interdisciplinaires en éthique (CRIE), rattaché à l'Université de Montréal. L'organisme est doté d'une riche dotation fournie par un couple improbable formé d'un industriel à la retraite et d'une Crie, d'où l'acronyme. Charlie devient vite la coqueluche de ce centre où il découvrira que tout ne tourne pas rond depuis l'assassinat (non élucidé) de sa fondatrice, trois ans auparavant. Le CRIE est aussi très engagé dans un refuge pour sans-abris autochtones, victimes d'ostracisme au sein même du monde malaisé de l'itinérance. De confidence en confidence, Lhombre, qui ne fait pas enquête malgré sa curiosité, ira de découverte en découverte, toutes moins éthiques les unes que les autres. Ce roman est présenté comme un thriller par l'éditeur. C'est bien plus un polar, de facture classique où l'humour joue un grand rôle pour atténuer le drame qu'il décrit. Ainsi Winckler, grand érudit en matière de cinéma, séries américaines et superhéros des comic strips, coiffe-t-il ses 38 chapitres par le titre d'un film. Surtout, il brosse un portrait très attachant de Montréal et de sa faune, en particulier celle du Plateau-Mont-Royal, qui à lui seul assure le plaisir de le lire.

Les invisibles, de Martin Winckler. Fleuve noir, 278 pages