J'ignore pourquoi, mais je n'ai jamais été très friand des histoires de mafia. Cet univers faisandé me déprime. Je n'ai pas vu tous les épisodes du Parrain et n'ai jamais eu la curiosité ni l'envie de regarder Omertà ou Les Soprano. Pourtant, j'ai été littéralement subjugué par Vendetta, le deuxième polar de R. J. Ellory, qui m'avait déjà fortement impressionné avec Seul le silence (Sonatine, 2008).

Une fois passé le début qui est un peu lent, il nous est difficile de lâcher ce récit extraordinaire, construit avec une maîtrise exceptionnelle par un écrivain fort habile qui allie avec aisance les éléments historiques et un suspense qui ne se relâche jamais. En 2006, à La Nouvelle-Orléans, le mafieux Ernesto Perez enlève la fille du gouverneur et massacre son garde du corps.

À la surprise générale, il se livre aux agents du FBI et leur propose un marché. Il demande à s'entretenir avec Ray Hartmann, un obscur fonctionnaire qui travaille à Washington dans une unité de lutte contre le crime organisé. C'est à cette condition seulement qu'il permettra aux enquêteurs de retrouver la jeune fille. Hartmann, qui a de sérieux problèmes familiaux, est appelé sur les lieux et Perez commence à lui raconter l'histoire de sa vie.

Dans les chapitres qui suivent, le lecteur abasourdi découvre l'incroyable biographie d'un tueur sanguinaire au service de la mafia. Aux enquêteurs sidérés, Perez va raconter un demi-siècle de la face cachée de l'Amérique, l'histoire secrète des grandes familles de la mafia d'origine sicilienne, depuis la révolution de Castro jusqu'à nos jours. Au passage, il fait quelques révélations juteuses notamment sur l'assassinat de John F. Kennedy, la mort de Marilyn Monroe, la disparition de Jimmy Hoffa (un morceau d'anthologie) et autres mystères non résolus.

Perez est un conteur très habile qui sait manipuler son auditoire, le tenir en haleine, avec un récit fascinant et d'une violence inouïe. Mais l'auteur intensifie le suspense avec quelques questions essentielles. Pourquoi Perez s'est-il rendu aux autorités? Pourquoi a-t-il choisi Hartmann comme confesseur? La fille du gouverneur est-elle vivante? etc. Le dénouement, quoiqu'un peu rocambolesque et très amoral, est tout simplement génial! R. J. Ellory est un virtuose, un styliste accompli et un conteur hors pair.

James Lee Burke

Il est aussi question de grandes familles mafieuses dans L'emblème du croisé de James Lee Burke. Nous y retrouvons Dave «Belle mèche» Robichaux , plus tourmenté que jamais, qui enquête sur le sort d'Ida Durbin, une jeune femme qui avait marqué sa jeunesse avant de disparaître sans laisser de traces. Des décennies ont passé, mais la confession d'un ancien condisciple d'université sur son lit de mort ravive les souvenirs de Robichaux, qui décide de rouvrir l'enquête.

Il reprend du service alors qu'une série de morts horribles frappent La Nouvelle-Orléans. Il découvre vite que le puissant clan Chalons (acoquiné avec une famille mafieuse) est mêlé à la disparition d'Ida. Et ces gens n'ont pas envie que Robichaux fasse de vagues en déterrant une vieille affaire peu reluisante. Une fois de plus, le détective sera confronté à des forces qui le dépassent, ces forces du mal incarnées par les puissantes familles de Louisiane depuis des générations.

Ce roman est l'un des meilleurs de la série. Le style est fluide, l'action continue et on y retrouve avec bonheur la palette impressionniste de Burke qui sait nous faire partager le charme sensuel et vénéneux des paysages de la Louisiane, avec en prime une touche de romance (Dave rencontre sa nouvelle femme). Rappelons que Dave Robichaux a fait son apparition sur grand écran, sous les traits de Tommy Lee Jones, dans Dans la brume électrique avec les morts confédérés, un film de Bertrand Tavernier.

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VENDETTA. R. J. Ellory. Sonatine, 652 pages, 34,95 $

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L'EMBLÈME DU CROISÉ. James Lee Burke. Rivages, 364 pages, 32,95 $