Au Québec, l'expression «à coucher dehors» est surtout employée pour un nom. On dit d'un nom de famille qui n'est pas Boucher ou Dion, mais Wozniak ou Bouwmeester, qu'il est «à coucher dehors» (réflexe de colonisé souhaitant sans le savoir laisser l'étranger à la porte).

Rien de tout ça chez Sylvain Tesson, dont les 15 récits de ce recueil (qui vient d'obtenir le Goncourt de la nouvelle) nous montrent que partout, qui que ce soit, dans n'importe quel coin du globe, de Dijon à Vladivostok, de Tachkent à Valparaiso, quel que soit le nom qu'il porte, Asphaltashvilli ou Edolfius, l'homme mène «une vie à coucher dehors». Philosophie de ce nouvelliste de talent: même quand elle ne commence pas très bien, la vie finit toujours mal...

Et il y va de ses exemples, des cas, l'éleveur de porcs anglais que l'encagement obligatoire de ses bêtes mène au suicide; le démineur afghan qui saute en croyant avoir trouvé à ses pieds une statuette qui le rendra riche; l'ermite qui a vécu 40 ans en forêt et qui, y retournant par nostalgie, se fait tuer par un ours; le «bouseux» d'un village géorgien qui réussit à convaincre les autorités de la ville d'asphalter la route sur laquelle sa fille se tuera en voiture, etc.

Sylvain Tesson, fils du journaliste Philippe Tesson, a bien mérité de la patrie littéraire. Son humour noir nous fait rougir de plaisir et nous réconforte: tout le monde est malheureux...

Une vie à coucher dehors

Sylvain Tesson

Gallimard, 199 pages, 31,95$

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