Le titre n'est pas un hommage racoleur au grave poème d'Aragon. C'est une question que Didier Decoin nous pose à nous tous dans sa reconstruction à la fois minutieuse et romancée du meurtre et du viol atroces dont Kitty Genovese a été victime par une nuit froide de mars, en 1964 à New York.

Le fait divers sordide avait tellement ému l'opinion qu'il est à l'origine du 911 pour les gens en détresse.

 

À partir des notes du procès et des enquêtes menées à l'époque par les journalistes du New York Times, Decoin décrit avec force détails, à la limite du scabreux, la longue agonie de cette jeune femme, belle, dynamique et intelligente.

Scénariste à succès en France, Decoin brise la linéarité de son récit et parvient par de courtes scènes à entrer dans la tête du prédateur, un vrai Dr Jekyll, et de celle de sa proie durant ces longues minutes où la pulsion du premier et l'effroi de la seconde effacent le passé et l'avenir.

Ce qui glace davantage le sang, c'est l'apparente indifférence d'une trentaine de témoins oculaires ou auditifs, ou à tous le moins leur peu d'empressement à lui porter secours. Cela aura permis à l'assassin d'achever sa besogne.

Decoin n'a pas besoin de noircir le criminel et d'embellir la victime. Les comptes rendus sont déjà fort éloquents et nous interpellent tous. Qu'aurions-nous fait?

Est-ce ainsi que les femmes meurent?

Didier Decoin

Grasset 227 pages, 29,95$

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