Quoi qu'en disent certains de ses détracteurs, un polar de qualité n'est pas un simple divertissement, un puzzle littéraire visant à découvrir qui est l'assassin. La plupart des écrivains contemporains ont aussi des préoccupations sociales. Les pièges du web, la délinquance virtuelle, les relations difficiles entre parents et ados, l'univers hypocrite et amoral du monde des communications, la solitude dans la société contemporaine sont quelques-uns des thèmes récemment abordés dans les polars de Harlan Coben, Marshall Karp et Steve Mosby.

Sans un mot est un des meilleurs récits de Harlan Coben, un auteur que j'ai fréquenté quelque temps avant de le délaisser pour cause de recettes convenues. Coben retrouve sa touche magique et nous entraîne dans un tourbillon narratif où se croisent trois histoires: des parents inquiets espionnent l'ordinateur de leur fils dont le comportement erratique les inquiète, un tueur en série s'en prend à des femmes sans lien apparent entre elles, et un enfant, atteint d'une maladie rare, a besoin d'une greffe urgente. Selon une formule bien rodée, ces récits disparates évoluent parallèlement jusqu'à ce que des liens apparaissent, des connexions se fassent pour nous amener au dénouement. Si les deux premiers nous tiennent vissés sur notre siège, le troisième paraît un peu plus artificiel et la greffe finale, si je puis me permettre ce mauvais jeu de mots, est plutôt digne de rejet. C'est là le seul point faible de ce suspense magistral où Coben aborde un sujet délicat et universel: jusqu'à quel point connaît-on vraiment ses enfants, et jusqu'où les parents peuvent-ils intervenir dans la vie privée de leurs adolescents sans provoquer de catastrophe?

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Sans un mot

Harlan Coben

Belfond, 412 pages, 29,95$





 

Cartoon, le premier roman de Marshall Karp, est une satire mordante et jouissive du monde du divertissement et de celui des communications. Il a pour cadre Familyland, un parc d'attractions dont on vient d'assassiner la mascotte, le lapin Pin-Pon. Quand on découvre que le chaud lapin avait un passé de pédophile, la réputation de Familyland se trouve menacée. Mais les malheurs du parc ne s'arrêtent pas là. C'est à un véritable jeu de massacre que se livre un ennemi invisible qui veut détruite ce symbole du rêve et des valeurs traditionnelles. Interviennent alors Lomax et Briggs, un couple de détectives très sympathiques qui affrontent les pires épreuves avec un sens de l'humour ravageur. Attention! On essaie de nous vendre ce roman (titre oblige?) comme une bouffonnerie avec une «intrigue démentielle» qui nous «fait hurler de rire» ! Certes, il y a des moments drôles et Lomax, le narrateur, a un style détendu et caustique, mais Cartoon est avant tout un roman noir, parfois très dur, dont la tension dramatique est maintenue jusque dans les dernières pages.

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Cartoon

Marshall Karp

Le Cherche Midi, 546 pages, 29,95$

Ceux qu'on aime, de Steve Mosby, est un thriller à la Harlan Coben qui illustre de manière tragique le thème de la solitude dans la société contemporaine. A l'heure de l'internet, des messageries instantanées, des blogues et des chats, sommes-nous vraiment disponibles pour ceux que nous aimons? La réponse de Mosby fait froid dans le dos. Un tueur en série particulièrement machiavélique s'attaque à des jeunes femmes célibataires, les séquestre, endosse leur identité auprès de leur proches et les laisse dépérir à petit feu dans l'abandon le plus total. Sur sa piste, un commissaire et un journaliste qui ont tous les deux sur la conscience la mort d'un parent qu'ils auraient pu sauver. Ceux qu'on aime est un suspense efficace, quoiqu'un peu artificiel. Là où Coben a su concilier conventions du genre et psychologie, Mosby se concentre davantage sur la mécanique, histoire de nous épater. Mais au-delà des recettes, son questionnement sur nos rapports sociaux reste d'une brûlante actualité.

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Ceux qu'on aime

Steve Mosby

Sonatine, 352 pages, 29,95$