Né à Sétif, Jean-Noël Pancrazi est de ces Français pieds-noirs qui ont dû quitter l'Algérie le coeur fêlé au moment de l'indépendance. Ce voyage de 1962 en bateau (fuite, retour?), il ne l'a pas oublié.

Dans Montecristi, la cicatrice au coeur est toujours là même si depuis 46 ans il y a eu sa vie à Paris (dont il a traduit dans ses premiers romans les nuits blanches, les noces noires, les dancings, les drogues) puis, depuis quelques années, ses fuites ailleurs vers les soleils, les plages, les amours de passage qu'avec le temps, homosexuel vieillissant, l'on doit monnayer avec des garçons intéressés. Il avait choisi la République dominicaine, finalement, puisqu'il y avait connu Noeli dont il était devenu réellement amoureux.

Dans le précédent roman, Les dollars des sables, il a raconté cet amour total et ingrat qui s'est terminé, l'argent manquant, avec la fuite de Noeli vers Porto Rico. Demeuré seul en République, installé dans ce trou frontalier avec Haïti qu'est Montecristi, il étire ses sous et son deuil amoureux, il le traîne dans ce bled de poussière et de pauvreté. Il expie. Et il brosse un portrait poignant d'un gamin, Chiquito, cireur de chaussures pour lequel il s'est pris d'affection et qui dépérit parce que sur la côte des fûts toxiques largués par les États-Unis (avec le consentement de Saint-Domingue) sèment tranquillement la mort; les paysans le nomment parasito, ce mal qui blanchit la peau avant de lentement tuer. Chiquito mort, Pancrazi quitte l'enfer qu'il avait cru être un paradis, il rentre à Paris, et m'est avis que les soleils c'est basta pour lui.

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Montecristi

Jean-Noël Pancrazi

Gallimard, 131 pages,

***1/2