Un texte inédit de l'écrivain autrichien Stefan Zweig vient de paraître 67 ans après sa mort, sa triste mort au Brésil, le 23 février 1942 avec sa femme Élizabeth. Le couple, exilé, croyant que les forces nazies allaient triompher en Europe, s'empoisonna. Zweig laissait alors, tout juste terminé, un admirable ouvrage, Le monde d'hier, qui allait paraître en 1948. Autobiographie nostalgique d'un Européen qui, gorgé de culture, croyait à une fraternité des esprits sur laquelle le pacifisme s'installerait à demeure. Zweig, plus utopique que politique.

Et quel est cet inédit surgi du monde d'hier? Certes pas un texte politique, l'auteur de La confusion des sentiments et de La pitié dangereuse ne fraya pas dans ces eaux-là. Il puisa ses inspirations plus chez Freud que chez Marx, s'intéressant aux ressorts de la conduite morale, aux instincts, à la sexualité, au grouillement humain, aux cahots et au chaos de l'amour...Notre inédit est en plein dans cette veine, la meilleure de Zweig.

 

Le voyage dans le passé est un roman d'amour amer, un court roman dont un extrait a paru dans un recueil collectif à Vienne en 1929. Longtemps après la mort de Zweig, un éditeur trouva dans les archives d'Atrium Press à Londres (l'écrivain y vécut de 1934 à 1940) un paquet de 41 pages écrites de la main de Zweig. C'était cette nouvelle achevée que l'on peut lire aujourd'hui, pour la première fois éditée en français. Grasset double le coup en adjoignant à l'édition le texte allemand.

Ce qui intéressait l'auteur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme, avec ce petit ouvrage écrit à Salzbourg, c'est la durée d'un amour; ce sentiment si vif, si profond, résiste-t-il au temps, à l'éloignement, à la trahison, aux tragédies de l'histoire? Un homme et une femme se retrouvent après une séparation involontaire de neuf ans. Avant qu'ils ne se quittent pour des motifs professionnels et avant d'avoir pu concrétiser leur liaison, lui est envoyé au Mexique pour son travail et elle, la femme de l'industriel qui envoie ce garçon au loin, jure qu'au retour elle se donnera à lui, qu'ils pourront vivre leur amour.

Le séjour mexicain va se prolonger, la guerre éclate en 1914, le retour est différé, le temps s'étire, ils s'écrivent mais de moins en moins et, quoiqu'ils s'aiment, la vie fait que le garçon va se marier au Mexique et aura deux enfants. Puis, la guerre finie, il revient à Vienne pour la revoir. Le travail de Zweig commence là: les retrouvailles. Ils prennent un train pour Heidelberg. Qu'arrivera-t-il? Je vous laisse entre les mains expertes de Stefan Zweig, maître en confusion des sentiments.

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Le voyage dans le passé

Stefan Zweig, traduit de l'allemand par Baptiste Touverey,

Grasset 2008, 175 p.

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