Mao, Hitler, Staline... Trois dictateurs parmi les plus sanglants du siècle dernier! Trois tueurs responsables de la mort de millions de victimes dont les fantômes sinistres hantent les coulisses de l'histoire et de l'imaginaire collectif. Et pourtant, il y a toujours des nostalgiques de l'époque où sévissaient ces monstres, des gens qui vénèrent encore leur souvenir, qui ont en fait des idoles, des exemples, des personnages emblématiques, voire mythiques. Une manne pour les écrivains en général et les auteurs de polars en particulier...

Dans La danseuse de Mao, de Qiu Xialong, l'inspecteur Chen se voit confier une affaire très délicate: récupérer un document compromettant que détiendrait une jeune et jolie demoiselle, document dans lequel il serait question, avec force détails scabreux, d'une liaison de Mao, le Grand Timonier, avec une accorte jeune dame morte dans des conditions mystérieuses. Dans la Chine actuelle, en pleine mutation, Mao reste officiellement l'idole des masses. Pas question de toucher à son image sous peine de sanctions pouvant aller jusqu'à la mort. Pour l'inspecteur Chen, «l'affaire Mao» est sans doute la plus délicate de sa carrière. À travers cette histoire policière, le lecteur découvre de multiples facettes de cette société chinoise en pleine mutation: la politique, le socialisme de marché, la gastronomie (pour estomacs solides!), les relations humaines et en prime, la vie privée de Mao, tout aussi épicée!

 

L'ombre sinistre du Führer du Troisième Reich plane sur l'intrigue du roman Le violon d'Hitler, d'Igal Shamir. En 1940, lors d'une soirée au cours de laquelle les dignitaires nazis et Hitler fêtent l'occupation de la France, le violoniste Gustav Schultz donne un récital au cours duquel il interprète des oeuvres de Salomone Rossi, un protégé de Monteverdi. À l'issue du concert donné en son honneur, Adolf Hitler pique une crise de colère épouvantable, fracasse le violon de Schultz puis ordonne son exécution immédiate. Cinquante ans plus tard, le violoniste Gal Knobel, un ancien agent du Mossad israélien, spécialisé dans la traque des criminels de guerre nazis, se voit proposer de découvrir ce qui a déclenché la rage meurtrière du dictateur. Knobel apprendra vite qu'il y a des secrets qu'il vaut mieux ne pas révéler, alors que son enquête réveille de vieux démons. La résolution du mystère est plutôt décevante (tout ça pour ça?), déception en partie compensée par un dénouement tragique et inattendu. Le violon d'Hitler est un thriller érudit qui mêle à l'histoire la plus sombre du XXe siècle une énigme artistique pas très captivante, sauf peut-être pour quelques amateurs de musique classique!

Dans Le spectre de Staline, de Martin Cruz Smith, nous retrouvons le commissaire Arkady Renko, héros de Park Gorki et de quatre autres polars remarquables. Alors que la neige tombe sur Moscou, le fantôme de Joseph Staline apparaît sur le quai d'une station de métro. Embêtées par cette affaire bizarre qui a des répercussions politiques indésirables, les autorités confient le dossier à Renko, pour qui les ennuis commencent. Au cours de son enquête, il va se heurter à l'hostilité d'un groupe de collègues de la police de Moscou, d'anciens Bérets noirs, héros de la guerre de Tchétchénie, et dont le chef, Isakov, se présente sous la bannière des Patriotes russes à la sénatoriale de Tver. Nostalgiques de l'ancien régime, ces fanatiques rêvent d'un retour de la Grande Russie. Le spectre de Staline est un thriller fort intéressant, à l'intrigue complexe, dans lequel Martin Cruz Smith trace un portrait très réaliste de la société russe actuelle déchirée entre la modernité capitaliste, la tentation de la démocratie, et la nostalgie de l'ancien régime communiste dirigé par des hommes forts comme Staline dont la figure paternelle («le petit père des peuples»!) occulte souvent celle du dictateur paranoïaque et meurtrier. Comme quoi, il reste encore bien des démons à exorciser, que ce soit en Chine, en Allemagne ou en Russie!

La danseuse de Mao

Qiu Xialong Liana Levi, 318 pages, 39.95$

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Le violon d'Hitler

Igal Shamir Plon, 290 pages, 39,95$

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Le spectre de Staline

Martin Cruz Smith Seuil, 338 pages, 31,95$

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