Y a-t-il une vie après Millénium? La question mérite d'être posée dans la mesure où le polar venu du froid occupe de plus en plus l'avant-scène, que l'on découvre régulièrement de nouveaux auteurs, parmi lesquels la Suédoise Camilla Läckberg, que certains médias comparent déjà, plus ou moins subtilement, à Stieg Larsson avec des formules-choc du genre «Une rivale pour Stieg Larsson?», «Après Stieg Larsson, quoi?» ou encore «Sur les traces de Stieg Larsson!» Même l'éditeur ne peut s'empêcher de nous signaler qu'en Suède «tous ses ouvrages se sont classés parmi les meilleures ventes de ces dernières années, au coude à coude avec Millénium de Stieg Larsson». Ajoutez à cela la livrée noire et rouge typique de la célèbre saga, un titre, La princesse des glaces, qui fait vaguement écho à La reine dans le palais des courants d'air, et on aura compris qu'on essaie de jouer de l'effet Millénium pour nous vendre cette nouvelle auteure. Alors, remettons les pendules à l'heure: ce premier polar de Camilla Läckberg n'a ni l'intensité dramatique ni les personnages uniques et attachants de la trilogie de Larsson. Seuls points communs: leur origine suédoise, la présentation matérielle des ouvrages et quelques aspects thématiques. Mais attention! La princesse des glaces a ses propres mérites.

 L'héroïne de cette nouvelle série (qui n'est comparable en rien à Lisbeth Salander) s'appelle Erica Falck. Auteure de plusieurs biographies, elle cherche l'inspiration pour son prochain bouquin dans le cadre paisible de Fjällbacka, un petit port de pêche de la côte Ouest (lieu de naissance de l'auteure). Un jour, Erica découvre le cadavre d'une amie d'enfance, les poignets tailladés, nue dans une baignoire d'eau gelée. Très vite, elle se rend compte qu'il ne s'agit pas d'un suicide. Ce qui est confirmé par l'inspecteur Patrick Hedström, un ami d'enfance, amoureux transi, chargé d'enquêter sur ce meurtre et celui d'un peintre clochard qui a lieu quelques jours plus tard. Sur fond de romance, les tourtereaux se lancent dans une affaire qui leur fait découvrir quelques facettes cachées d'une petite société provinciale qu'ils croyaient bien connaître. Petit à petit, ils mettront au jour les secrets les plus sordides, les tares d'une petite communauté dont la surface tranquille cache des eaux plutôt troubles.

Un thriller difficile à lâcher

Sans longueurs, ni digressions, La princesse des glaces est un polar bien ficelé qui se lit avec plaisir et intérêt. Mais de grâce, ne crions pas tout de suite au chef-d'oeuvre, un terme que je réserverais plutôt à l'excellent récit de Jo Nesbo, Le bonhomme de neige. Ce polar exceptionnel fait partie de la série consacrée à l'inspecteur Harry Hole, l'équivalent norvégien des Harry Bosch, John Rebus et compagnie, un électron libre, obstiné, cabochard, obsédé par son boulot. Cette fois, il a affaire au premier tueur en série à sévir en Norvège, un assassin retors qui a écrit à Hole un message signé «le bonhomme de neige», missive dans laquelle il le met au défi et annonce d'autres victimes. Hole est assisté par la jeune Katrine Bratt, une jeune femme séduisante, d'une grande intelligence et qui semble avoir bien des points communs avec l'inspecteur Hole, notamment son obsession du boulot! Les deux policiers devront affronter un adversaire sans pitié, qui sévit depuis plusieurs années en s'attaquant à des femmes mariées et mères de famille. Signe distinctif: l'assassin frappe le jour de la première neige. Riche en rebondissements, avec un suspense soutenu, Le bonhomme de neige est un de ces thrillers qu'il est difficile de lâcher en cours de lecture. Jo Nesbo est un des auteurs scandinaves les plus intéressants du moment. Quatre de ses romans sont disponibles en format de poche (Folio) dont le remarquable Rouge-gorge, et deux autres le sont dans la Série noire (Le sauveur et L'étoile du diable).

*** 1/2

LA PRINCESSE DES GLACES

Camilla Läckberg

Actes Sud, 384 pages, 34,95$

****

LE BONHOMME DE NEIGE

Jo Nesbo

Gallimard, 526 pages, 34,95$