Danny Émond publie un premier recueil de nouvelles, Le repaire des solitudes, chez Boréal. Ces 29 petits récits se fondent dans la marge pour parler de désillusion, de désoeuvrement, mais de survie aussi.

Dans le coin droit, nous les lecteurs. Dans le coin gauche, un boxeur qui sait encaisser, mais qui porte les cicatrices, visibles et invisibles, de toute une vie à la dure. L'arbitre: Danny Émond.

Dans son premier livre, le musicien et poète brosse 29 portraits de solitaires qui existent malgré tout, malgré le monde qui leur tourne le dos bien souvent, malgré la vie qui passe à côté d'eux sans les remarquer.

«J'ai essayé de présenter ces personnages sans les juger ou les défendre. Je laisse le lecteur juger de lui-même. Mais ce sont des gens qui vivent un vide intérieur», note l'auteur de Québec de 36 ans.

«C'est le portrait d'une société atomisée où les individus sont coupés les uns des autres, poursuit-il. On ne vit pas dans un monde qui encourage l'altruisme. C'est un monde individualiste qui se regarde beaucoup le nombril. La société ne va pas tellement dans le bon sens.»

Ses courtes nouvelles sont écrites dans un style dépouillé, imagé. Les récits se nourrissent de contrastes et de chocs urbains, comme si l'asphalte et le béton éraflaient les âmes en déroute des personnages.

Danny Émond ne voit pas nécessairement la vie en rose, mais il distille un humour noir comme des gants de boxe tout au long du recueil.

«On n'entre pas de plain-pied dans la tragédie, dit-il. C'est important pour moi, l'humour et la distance face à ce qui se passe dans les histoires que je raconte.»

Des histoires crues et percutantes, souvent. La nouvelle représente un genre qui lui va comme... un gant, justement.

«J'aime la rapidité de la nouvelle, explique-t-il, le rythme qu'elle impose. La nouvelle, c'est comme un coup de poing. Ça laisse le lecteur un peu sonné à la fin.»

Le rythme, il connaît. Il a d'abord cogné dans la vie en écrivant des poèmes et en faisant de la musique et des chansons rock métal pendant 15 ans. Son groupe: Blinded by Faith.

Ayant récemment obtenu une maîtrise en littérature à l'Université Laval, l'artiste se reconnaît chez Houellebecq et sa dénonciation de la société de consommation, sans parler des technologies.

«On devient esclaves de nos écrans, dit-il. On s'y enferme. On dit qu'on a une vie sociale, mais on est chacun dans notre petit monde, séparés des autres. Cette vision a sûrement coloré le recueil», avoue-t-il.

Même si le premier texte s'intitule Autofriction, l'auteur ne fait ni dans l'autofiction ni dans l'anecdote. Il préfère inventer. La solitude, très peu pour lui, même s'il peut se montrer, dans la vie, sarcastique et critique.

«La solitude de mes personnages existe parfois par choix, note-t-il, mais pas toujours. Plusieurs sont anticonformistes et vivent difficilement avec les codes de la société.»

L'auteur sait rendre ses personnages crédibles en quelques mots à peine. L'un d'entre eux, Maurice, revient à quatre reprises dans le recueil.

«C'est un personnage un peu perdu, mais fantaisiste aussi. Il est tragicomique et représentatif des autres personnages du livre qui essaient de flotter et de vivre du mieux qu'ils peuvent. Ils essaient juste de s'en sortir et de se rendre au bout de la nuit.»

Des personnages pour qui exister, voire arriver à exister, est déjà un combat de tous les jours et, parfois, une victoire. Dans le fond, ils «rêvent encore aux oasis qui ne peuvent pas être si loin».