Rappelons le principe du projet littéraire L'Orphéon: cinq auteurs ont été invités par VLB éditeur à écrire chacun un court roman, inspiré par un immeuble de bureaux imaginaire baptisé l'Orphéon. Chacun des cinq étages de l'Orphéon et leurs locataires devaient servir de cadre à leur court roman respectif.

En octobre dernier, trois des cinq romans ont été publiés: Corax de Stéphane Dompierre (5e étage), Crématorium Circus de Roxanne Bouchard (4e étage) et Odorama de Geneviève Janelle (3e étage). Cette semaine sont sortis les deux derniers «étages»: Coïts de Véronique Marcotte et Quinze minutes de Patrick Senécal.

Ils se défendent honnêtement. Coïts a le mérite de faire dans le roman érotique, ce qui n'est jamais facile. Véronique Marcotte s'en tire bien, en imaginant cinq femmes «ordinaires» (si on peut considérer ordinaire le fait de souffrir de dépendances et de maladie mentale...) qui acceptent de devenir prostituées de luxe de 9h à 17h. Disons que le cunnilingus y est glorifié et la mort violente, bien présente. Bref, Éros et Thanatos réunis, avec un petit détour critique (mais un peu court) sur l'internet et les réseaux sociaux.

De son côté, Patrick Senécal a tourné le dos au roman d'épouvante et au roman noir en optant pour un conte contemporain pour grandes personnes. Le cadre? L'univers du web et des célébrités instantanées qui s'y créent (de type «Mon père est riche en tab...»), soumises au diktat du nombre de clics. Avec, là aussi, un petit détour critique (mais convenu) sur l'internet et les réseaux sociaux. Que Senécal soit sorti de sa zone de confort, c'est louable. Mais disons que la fable - et sa morale - ne lui sied pas beaucoup. En fait, aucun de ces deux romans ne seraient vraiment justifiés sans la présence des trois autres.

C'est en effet pour le plaisir indéniable de lire ces cinq petits ouvrages l'un après l'autre que la série L'Orphéon vaut véritablement le coup, avec ses recoupements, ses personnages communs (l'agent de sécurité, est-ce Rolland ou son jumeau Réjean?), son cadre très urbain. Du lot, un roman se démarque par le genre littéraire adopté: Crématorium Circus, de Roxanne Bouchard, écrit avec talent sur le mode burlesque, pour réfléchir dans l'hilarité au pouvoir des apparences, des sexes et des sens.

Mais c'est surtout Corax de Stéphane Dompierre qui retient l'intérêt: roman à part entière, il se suffit à lui-même avec son écriture raffinée, ses âmes perdues, son atmosphère fantastique et tragique qui ne sombre jamais dans le pathétique ni le magique.

___________________________________________________________________________

* * 1/2

Coïts. Véronique Marcotte. VLB, 160 pages.

* * 1/2

Quinze minutes. Patrick Senécal. VLB, 184 pages.

* * * 1/2

L'Orphéon (Les cinq livres). VLB. En magasin et en version numérique.