Décidément, le roman québécois connaît une rentrée exceptionnelle en France. Alors que Dany Laferrière et Catherine Mavrikakis sont engagés dans la course aux prix littéraires, la chaîne culturelle Arte propose cette semaine un état des lieux de la littérature québécoise à travers un documentaire signé par le journaliste vedette Patrick Poivre d'Arvor.

Diffusé jeudi prochain en deuxième partie de soirée, ce reportage de 52 minutes s'inscrit dans la série Horizons lointains, consacrée aux écrivains de huit grandes villes du monde, comme Prague, Le Caire et Lisbonne.Ce voyage «au fil des courants littéraires du Québec» a d'abord conduit PPDA, comme on le surnomme, dans la Veille capitale, puis à Montréal. Au cours de son séjour, il a rencontré 12 auteurs pour tenter de cerner les thèmes qui les inspirent. La ville, les grands espaces, l'«envahissement» de l'anglais, l'américanisation, les rapports à la France, les racines, le multiculturalisme: le propos est un peu fourre-tout, mais il offre une intéressantes galerie de portraits.

Jacques Godbout y fait figure de doyen ironique. Debout au milieu d'une église transformée en bibliothèque, il fait remarquer à PPDA que «avec la même langue, on peut ne pas s'entendre».

Brillant, comme d'habitude, Dany Laferrière, romancier consacré en France, refuse l'idée de «lier un écrivain à un territoire». Pour lui, le seul paysage qui tienne est littéraire : «Je viens du pays de mon lecteur, si mon lecteur est japonais, je devins japonais», répond-il à PPDA qui l'interroge sur son identité.

Catherine Mavrikakis, dont le nom circule pour le Prix Goncourt, signale de son côté que la littérature québécoise, tiraillée entre le désir d'écrire un grand roman américain et un grand roman français «dans une langue plus classique» est «nécessairement schizophrène» «Ce qui m'inspire souvent au Québec, c'est ce que je n'aime pas, dit-elle. Parfois, j'ai l'impression qu'il ne se passe rien, que c'est mieux ailleurs, mais en même temps, je pense que ma voix est importante (). J'ai un rapport antagoniste avec ce Québec que j'aime et que je déteste.»

Sur la terrasse Dufferin, Neil Bissoondath, qui croule en France sur des critiques dithyrambiques pour Cartes postales de l'enfer, son dernier roman, explique qu'à Québec, où il vit, «les gens ne se sentent pas menacés par la différence». «Ils la cherchent plutôt. Pour un romancier, c'est important», poursuit-il.

Au bord du fleuve également, mais avec le centre-ville de Montréal en toile de fond, Nicolas Dickner, l'auteur du (très bon) Nikolski, signale pour sa part qu'il y a en ce moment «un grand courant de renouvellement, un vent de fraicheur qui commence à se lever» sur la littérature québécoise. «C'est une littérature très diversifiée, très foisonnante et peut-être plus universelle qu'avant», estime de son côté Christine Eddie, l'auteur des Carnets de Douglas, et lauréate du dernier prix France-Québec.

Parmi les autres auteurs interrogés par PPDA figurent notamment Monique Proulx, Jean-François Beauchemin, Éric Dupont, Marie-Sissi Labrèche et Nelly Arcan.