Certains paradis sont plus verts que d'autres. Si la poésie illustre souvent les années enfantines en une plaine verdoyante que l'on traverse cheveux au vent, le protagoniste de ce premier roman fort réussi d'Alexandre Lazaridès en brise l'illusion par un habile récit à deux voix, celle d'un enfant emprisonné dans sa colère et celle de l'homme qu'il devient malgré lui, après avoir cherché à cadenasser un passé dérangeant.

C'est que l'auteur parvient ici à traiter du difficile sujet de la résilience tout en refusant farouchement de tomber dans le bon sentiment. Témoin silencieux de la violence répétée d'un père sans scrupules et d'un grand frère totalement sous son joug, le garçonnet au centre de l'histoire confond rapidement une peur paralysante des foudres paternelles avec un dangereux sentiment de complicité qui se transformera à l'âge de huit ans en une haine profonde et irradiante. C'est sur cette haine qu'il fondera un jour le projet de quitter son pays natal, qu'il qualifie de Babel moderne, pour s'établir dans un ailleurs où, croit-il, les hommes ne barbouillent pas impunément l'innocence. Or, les ombres du passé traversent les océans et les années.

 

Laissant la voix de l'enfant d'une froideur clinique télescoper celle de l'adulte tout en omettant volontairement la transition entre les deux, Lazaridès offre, malgré une finale un peu trop analytique, un étonnant roman où les personnages se livrent à un douloureux jeu de cache-cache sur fond de métissage social. Lorsque les langues s'emmêlent, tant dans les rues qu'à la maison, il est facile de taquiner le mensonge. Mais vient un jour où toutes les langues se fondent en une, celle de la vérité. Quant à la rédemption...

Adieu, vert paradis

Alexandre Lazaridès

Éditions VLB, 368 pages, 27,95$

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