Roman philosophique teinté par l'amour de l'auteure pour la culture antique, Enthéos aborde une crise d'identité à la lumière des oeuvres classiques.

Thomas abandonne la théologie et une thèse sur l'Apocalypse de Jean pour étudier la littérature grecque. Il a perdu la foi à la suite d'un drame, le suicide de Christian, son frère jumeau fasciné par la mort qui le visite en rêve chaque nuit. Ayant quitté Montréal pour Québec, il entame sa nouvelle vie avec peu d'enthousiasme, en misanthrope dégoûté de tout, qui se vautre dans la vie intellectuelle. Sa rencontre avec Elsa Fontaine, sa prof de littérature grecque, va lui insuffler un peu de vie et faire renaître le désir endormi. Condamnée par un cancer, Elsa va orienter Thomas vers ses vraies amours délaissées.

 

Classique, le récit porté par une langue riche, mais un peu sèche, s'inscrit dans la lignée des grandes tragédies grecques avec pléthore de références mythologiques, bibliques, littéraires et philosophiques. Julie Gravel-Richard, spécialiste des civilisations anciennes à F.-X.-Garneau, convie tous les Anciens de l'antiquité pour éclairer les questionnements de son personnage. La jeune écrivain fait honneur à son savoir, se faisant l'exégète des sentiments humains en remontant à la racine des concepts. L'espoir, le deuil, le divin sont examinés à travers le prisme des oeuvres d'Euripide, Nietzsche, Gide ou de l'Apocalypse.

À première vue, le propos d'Enthéos peut sembler dépassé ou du moins, réservé aux petits cercles de spécialistes de culture antique, mais si Thomas cherche à comprendre pourquoi la foi l'a abandonné, sa crise s'apparente à toutes les crises existentielles. Thomas connaît l'errance puis la résurrection. Il apprend à défier la mort et à renaître de ses cendres. Julie Gravel-Richard crée un pont entre le monde ancien et le moderne, en consultant les auteurs et philosophes anciens dont les paraboles renvoient à toute réalité.

Un penchant pour l'abstraction alourdit cependant le récit très académique. La reconstruction du jeune Thomas, en quête de vérité et aux prises avec une passion coupable, rejoint, certes, les grands questionnements humains et n'est pas dénué de réflexions profondes, nourries chez les meilleurs penseurs. Or il semble que l'auteure ait, par un étrange effet miroir, le même problème que son personnage: elle manque d'âme, son histoire est désincarnée. Progressivement, Thomas va s'épanouir, renouer avec son instinct et retrouver l'inspiration, l'«enthéos», qui signifie «être habité par la divinité». Dans l'éclosion des sentiments, le roman gagne alors un peu de vie, mais il demeure très théorique. Un roman qui plaira aux intellectuels et qui donnera envie de lire ou de relire les classiques.

ENTHÉOS

Julie Gravel-Richard

Septentrion, 260 pages.

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