Après des années d'absence du monde littéraire, Arlette Cousture plonge dans les couleurs de son enfance avec un nouveau roman intitulé Par la fenêtre des mes cinq ans, un récit qui relate l'apprentissage parfois douloureux d'une fillette de 5 ans dans le Québec des années 50.

Il reste difficile de ne pas confondre l'auteure avec le succès qu'a récolté la saga Les filles de Caleb. Difficile aussi de ne pas sauter sur l'occasion d'une comparaison. «La saga des Filles de Caleb n'est pas un fantôme qui plane au-dessus de moi quand j'écris, soutient pourtant Arlette Cousture lorsqu'on lui en fait la remarque. Au contraire, c'est rassurant. Je me réfugie dans Les filles de Caleb parce que ça me rappelle que je suis capable. Ce sont davantage les journalistes qui s'inquiètent de la portée d'un tel succès sur mes écrits futurs. Aussi, je fais très bien la différence entre un livre populaire, qui s'adresse à un grand public, et un livre plus littéraire. Et je sais pertinemment quel genre de livre je suis en train d'écrire, au moment où je suis en train de l'écrire.»

 

Quatre années se sont écoulées depuis L'abandon de la mésange, la dernière publication d'Arlette Cousture. Une période durant laquelle l'auteure a peaufiné un projet d'écriture qui s'est soldé par une catastrophe informatique réduisant à néant des années de labeur. «J'écrivais sur les travailleurs montréalais de la fin du XIXe siècle et j'ai tout perdu. C'est une sensation horrible de dépossession. Mais l'histoire de la petite Charlotte a pris le dessus. Une fillette de 5 ans a pris vie.»

Charlotte, c'est l'alter ego de l'écrivaine qui, collée à sa fenêtre, observait quotidiennement la vie se tortiller dehors. «L'univers de Charlotte, c'est une réelle microsociété, avec ses zinzins, ses handicapés, ses vieux, ses anglophones, ses francophones, sa petite pauvre avec sa brouette, sa voisine riche qui possède une bicyclette à chaîne. Aussi, avoir 5 ans était déterminant dans les années 50. Il n'y avait pas de garderie, pas vraiment de maternelle. C'était la dernière année avant que le système ne nous rappelle.»

Arlette Cousture fait donc revivre les tramways et les livreurs de lait à travers les yeux de cette enfant naïve et dévorée de curiosité. «Mes souvenirs de cette époque sont très vifs, explique l'auteure. Les peines d'enfant sont incommensurables. Elles sont un bon ancrage pour la mémoire. Je considère d'ailleurs que l'élément le plus important pour un écrivain, c'est la sensualité. Il faut avoir les cinq sens en éveil tout le temps. Cela permet de mieux se souvenir et mieux reproduire.»

Arlette Cousture se défend pourtant d'avoir cédé à la nostalgie. «La nostalgie, c'est vouloir revivre une époque. Pour ma part, j'ai détesté l'enfance. Charlotte ne voudrait certainement pas revivre cette année de malheur où elle découvre que la vie est éphémère. Ses amis s'éloignent, les vieillards qu'elle aime meurent et une tragédie la marquera pour toujours. Mon livre est en fait construit comme un long crescendo sur la mort vue par un enfant de 5 ans qui n'a pas encore les mots pour en parler.»

Arlette Cousture se souvient d'ailleurs avoir habité une rue maudite, une rue où l'on a pleuré des années. La tragédie, révélée uniquement dans les toutes dernières pages de ce roman, a d'ailleurs tant ébranlé l'auteure qu'elle a encore peine à croire qu'elle l'a enfin exorcisée. «Cette histoire me hante depuis des années, indique celle qui avait d'ailleurs déjà inséré l'anecdote dans Les filles de Caleb. Je savais qu'elle serait un jour le moteur de mon écriture. Voilà, c'est fait.»

Depuis la fenêtre de mes cinq ans

Arlette Cousture, Éditions Libre Expression, 200 pages, 22,95$