Ils font partie intégrante du grand roman américain qui s'écrit sans cesse. «Make American literature great again»? Cela pourrait bien définir ces cinq écrivains noirs d'aujourd'hui que nous vous invitons à découvrir.

Toni Morrison

Loin d'être une nouvelle venue, Toni Morrison demeure la plus grande voix de la littérature afro-américaine, dont l'influence est indéniable sur les nouveaux auteurs. Elle a reçu un prix Nobel de littérature - elle est la seule Afro-Américaine à avoir obtenu cette suprême distinction - pour une oeuvre célébrée partout, avec raison. C'est une géante. Elle est l'auteure des oeuvres Sula, Le chant de Salomon et surtout Beloved (un véritable chef-d'oeuvre, vu comme l'un des plus grands romans américains, qui a été adapté au cinéma en 1998), ce dernier titre l'ayant fait connaître dans le monde entier. Proche des Clinton dans les années 90, elle a appuyé Obama dans sa course à la présidence et il lui a décerné la médaille pour la Liberté en 2012. Son dernier roman, Délivrances, a été publié en 2015.

Teju Cole

D'origine nigériane, Teju Cole, né en 1975, est l'une des étoiles montantes des lettres américaines, considéré comme l'un des plus doués de sa génération, selon l'écrivain Salman Rushdie. Son premier roman Open City (traduit chez Denoël), qui nous plonge dans l'esprit d'un jeune promeneur dans les rues de New York après une rupture amoureuse, a été très remarqué et s'est retrouvé sur la liste des meilleurs livres de l'année 2011 du magazine Time, en plus de recevoir le prix de la Fondation Hemingway. Très engagé, Teju Cole a suscité la controverse en faisant partie des écrivains qui étaient contre la remise d'un prix à Charlie Hebdo par le PEN America Center. Il est aussi photographe et historien de l'art, et collaborateur au New York Times et au New Yorker.

Paul Beatty

Poète et slameur dans les années 90, Paul Beatty, né en 1962 à Los Angeles, s'est fait connaître par un premier roman, White Boy Shuffle, en 1996, où l'on note déjà un esprit ironique assez cinglant. Mais c'est avec The Sellout (Moi contre les États-Unis d'Amérique en français) qu'il rencontre le succès, en devenant le premier Américain à recevoir le prestigieux prix Man Booker en 2016. Ce roman, qui est une satire grinçante, a beaucoup fait jaser en malmenant le politiquement correct, puisque son personnage principal, un Afro-Américain voulant redonner du lustre à son patelin en décadence, tente par certaines initiatives étranges de rétablir la ségrégation raciale, ce qui lui vaudra de se retrouver devant la Cour suprême.

Issa Rae

Née en 1985 à Los Angeles, Issa Rae est une touche-à-tout. Comédienne, productrice, scénariste, réalisatrice et écrivaine, elle est en train de se tailler une place sur mesure dans un univers où les femmes afro-américaines sont sous-représentées. C'est d'ailleurs parce qu'elle ne se reconnaissait pas dans les stéréotypes de la femme noire qu'elle a créé en 2011 sa propre websérie, Awkward Black Girl, qui est devenue virale et dans laquelle elle décrit les situations inconfortables dans lesquelles son personnage se retrouve, au travail comme en amour, quand on la considère comme trop noire d'un côté ou pas assez noire de l'autre. Cette websérie a mené au livre The Misadventures of Awkward Black Girl en 2015, qui s'est retrouvé sur la liste des best-sellers du New York Times. HBO lui a commandé en 2016 une série intitulée Insecure.

Yaa Gyasi

Née en 1989, d'origine ghanéenne, Yaa Gyasi a grandi aux États-Unis et a découvert sa vocation d'écrivaine en lisant Toni Morrison. Son premier roman, Homegoing, qui vient de paraître en français chez Calmann-Lévy (No Home), a été unanimement célébré par la critique, notamment par Ta-Nehisi Coates. On a salué le souffle et l'ambition de ce livre, qui suit les destins de deux demi-soeurs au Ghana au XVIIIe siècle, l'une esclave et l'autre mariée à un Britannique, et leur descendance sur trois siècles, tant en Afrique qu'en Amérique, avec les conséquences que l'on imagine, selon qu'on soit du bon ou du mauvais côté de l'histoire. La National Book Foundation l'a placée en 2016 parmi les cinq jeunes auteurs à suivre, tandis que le magazine Vogue l'a décrite comme une écrivaine qui «réinvente le roman américain».

photo John Phillips, archives reuters

Paul Beatty