Le romancier turc Nedim Gürsel sera jugé le 5 mai devant un tribunal d'Istanbul pour avoir «dénigré les valeurs religieuses de la population» dans son roman «Les filles d'Allah», a annoncé l'auteur samedi dans un entretien avec l'AFP.

«On me reproche d'avoir dénigré les valeurs religieuses de la population qui selon l'article 216 du code pénal turc est passible d'une peine de six mois à un an de prison», a déclaré M. Gürsel, présent ce week-end aux «Rencontres du livre et du Vin» de Balma, dans la banlieue de Toulouse.

«Il s'agit d'un roman, les personnes ont tendance à l'oublier», a poursuivi M. Gürsel, «et ce qui est négatif à propos du prophète est exprimé par ses ennemis».

Pour le romancier, également directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur la littérature turque, «il faut avoir la liberté de porter un regard critique sur les religions, et ma position est claire je respecte la foi et les croyants».

«Plus inquiétant» selon ce dernier, la direction des affaires religieuses, un organisme administratif placé sous l'autorité du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, «s'est permis de faire un rapport alors que le tribunal ne lui a rien demandé».

«La direction des affaires religieuses ne doit pas se prononcer sur une oeuvre d'art, ce n'est pas de sa compétence», a estimé M. Gürsel qui partage sa vie entre la France et la Turquie.

Selon l'auteur des «Filles d'Allah», publié en mars 2008 en Turquie et dont la traduction française sortira en octobre au Seuil, «M. Erdogan a récemment déclaré lors de la remise d'un prix littéraire que la Turquie n'est plus un pays qui jugeait ses écrivains, or ce procès enlève toute crédibilité à son discours».

M. Gürsel considère que «ce procès tombe très mal car tout le monde pensait que la Turquie avait progressé en matière de liberté d'expression», a également ajouté l'auteur de l'ouvrage «La Turquie une idée neuve en Europe», publié cette semaine en France aux éditions Empreinte temps présent.

Ardent défenseur de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, M. Gürsel ne s'est pas déclaré «inquiet» de l'issue de ce procès, estimant pouvoir faire «confiance à la justice de (son) pays qui est indépendante».