La Québécoise Tassia Trifiatis-Tezgel s'intéresse depuis longtemps aux récits de voyage illustrés, carnets où l'on «dessine des lettres et écrit des dessins». Alors qu'elle passait trois ans à Istanbul avec son mari, relatant ses aventures sur Facebook, l'amie dessinatrice d'une amie, Caroline Lavergne, l'a contactée et un projet s'est mis en branle. En a résulté un bouquin très intimiste et poétique, Les platanes d'Istanbul. Les platanes, ces arbres robustes et durables, métaphores des relations. Et aussi la signification du prénom Çınar, fils d'Özlem, victime d'une maladie incurable. De Toronto où elle est maintenant installée, Tassia Trifiatis-Tezgel a accepté de parler de son expérience en quelques images évocatrices.

Les femmes

« C'est mes platanes, les femmes. J'ai passé beaucoup de temps à observer comment les femmes vivaient. J'ai aussi donné des cours à des femmes très riches. Elles avaient un peu la même vie que les femmes plus modestes, c'est-à-dire que les femmes qui ne travaillent pas se retrouvent dans la journée, passent beaucoup de temps ensemble. Il y avait la même chaleur, la même hospitalité, la même convivialité. Les femmes, pour moi, ç'a été le coeur d'Istanbul. C'est ça qui m'a ancrée, comme à Montréal, ce sont les femmes qui m'ancraient. Les femmes sont mes racines en général. »

L'amitié à travers l'image d'Özlem

« L'amitié, ç'a été l'élan, le moteur de mon écriture. La recherche de l'amitié, le manque d'amitié... Özlem est une des premières personnes que j'ai rencontrées. C'est quand elle est revenue du village avec son fils Çınar qu'on a passé plus de temps ensemble. Quand Caroline est venue, on avait l'idée de continuer les chroniques rigolotes que j'écrivais sur Facebook. Quand elle est arrivée, c'était le mariage du petit frère d'Özlem. J'ai compris que ce ne serait plus des anecdotes, j'ai vu ça comme un signe que ça allait porter sur l'amitié. L'amitié qui nous fait être inclus dans une communauté. »

Les marchés

« Les marchés me créaient une angoisse insurmontable [rires] ! C'était vraiment difficile. Mais en même temps tellement frais, tellement bon, je me forçais chaque semaine à y aller, je pense que c'est pour ça que j'ai tant écrit sur les marchés. Il y avait beaucoup de monde, il fallait parler avec les gens, si j'avais trop un accent, ils me faisaient payer le double du prix... Je me faisais violence avec les marchés. J'aime plus observer. Je me fais souvent violence pour l'écriture, et les marchés, c'est un bon exemple [rires]. »

Les platanes

« C'est un symbole de la longévité. J'ai voulu que Çınar vive pour toujours avec ce livre. C'est un cadeau à mon amie. Faire le livre a pris plus de temps que prévu. Je pense que c'est parce que l'écriture, le travail qu'on a mis dans ce livre-là, c'était un peu pour accompagner Özlem jusqu'à ce qu'elle ait de nouveaux platanes. Elle a accouché quand le livre est parti sous presse. "Çınar" veut dire "platane". Çınar continue à vivre à travers le livre. Un livre, c'est un peu l'intemporalité. Ça évoque le souvenir de Çınar, c'est ce que j'ai pu offrir à Özlem et c'est elle qui me l'a dit en premier : "Grâce à toi, mon fils va vivre pour toujours." »

Les propos ont été raccourcis.

___________________________________________________________________________

Les platanes d'Istanbul. Récit de Tassia Trifiatis-Tezgel. Dessins de Caroline Lavergne. Les Éditions du Passage. 125 pages.

Image tirée du livre Les Platanes d'Istanbul

Les platanes d'Istanbul, de Tassia Trifiatis-Tezgel