Depuis 2004, il revient chaque année, avec la régularité d'une horloge. Et il trône chaque fois au sommet des palmarès de ventes. Guillaume Musso est l'un des romanciers français qui cartonnent le plus, avec 32 millions d'exemplaires de ses livres vendus dans le monde. Son dernier opus, La jeune fille et la nuit, est un suspense psychologique qui se passe sur le campus d'un lycée sélect du Cap d'Antibes. De Paris, où il vit, il nous a parlé de son métier d'écrivain.

La jeune fille et la nuit est un «campus novel» à la Donna Tartt. Qu'est-ce qui vous a donné le goût d'écrire un tel livre?

Comme lecteur, j'ai toujours aimé les romans anglo-saxons qui se passaient dans des campus, comme ceux de David Lodge ou Donna Tartt. J'avais cette histoire en tête depuis longtemps, mais dans mon esprit, c'était situé à Harvard ou à Berkeley. Mais je n'avais jamais vraiment envie de l'écrire parce que j'avais l'impression que ça ne serait pas très novateur, jusqu'au jour où j'ai eu une petite révélation. J'avais aussi très envie d'écrire sur la ville où j'ai passé ma jeunesse. Et un jour, ces deux envies sont entrées en collision. Je me suis lancé.

C'est donc ce déclic qui a fait que vous avez choisi de situer l'action au Cap d'Antibes, où vous êtes né?

Chaque fois que je retournais chez moi, les gens me disaient: "Mais quand est-ce que tu vas écrire un roman qui se passe chez nous?" J'en avais très envie! Mais en littérature, le désir ne suffit pas. Si on veut écrire sur un lieu, mais on n'a pas d'inspiration, on n'y arrive pas. Je n'avais pas la bonne histoire. Un roman réussi, c'est comme une histoire d'amour réussie. Une histoire d'amour réussie, c'est rencontrer la bonne personne au bon moment, et un roman réussi, c'est avoir une bonne histoire et vous êtes dans un moment de votre vie où vous avez vraiment envie de la raconter.

La jeune fille et la nuit est un polar sans policiers. Pourriez-vous éventuellement créer un personnage d'enquêteur comme l'a fait Henning Mankell, par exemple?

J'en ai très envie! Maintenant, il faut que j'arrive à trouver le personnage que j'ai vraiment envie de revoir au fil des romans. Je le ferai un jour ou l'autre parce que cela me tente depuis très longtemps.

Vous écrivez un livre par année depuis 2004. Êtes-vous comme Stephen King, un auteur que vous admirez, qui se donne la discipline d'écrire chaque jour?

Écrire un livre par année, ce n'est pas une performance: c'est parce que j'ai la chance de faire un travail qui est aussi une passion. J'aime travailler tous les jours et je suis dans une période créative, dans un moment où j'écris mes romans les plus intéressants et les plus aboutis. J'ai la chance de pouvoir m'y consacrer pleinement. Tous les matins, quand je me mets devant mon écran, je me demande ce que vont me réserver mes personnages.

Quand vous commencez un roman, travaillez-vous avec un plan très détaillé?

Quand on commence un roman, on a l'impression de se retrouver pieds nus devant l'Himalaya. Un plan détaillé nous donne un peu l'impression de savoir où on va. J'essaie de me faire croire que je sais où je vais! Comme le dit Dennis Lehane, il y a une part de tuyauterie dans les histoires à suspense, mais nous, les écrivains, ne sommes pas des plombiers. Quand les personnages se mettent vraiment à exister dans votre esprit, ils ont envie de faire des choses auxquelles vous ne les avez pas nécessairement prédestinés. Alors, oui, j'ai un plan, mais je ne me sens pas prisonnier de ce plan. Ce qu'il y a d'excitant dans l'écriture, c'est précisément lorsqu'on dévie de ce qui était prévu.

Avez-vous des recherchistes?

Absolument pas! Tout est fait maison, de la façon la plus artisanale possible. Le plaisir vient d'avoir ce luxe de consacrer ses journées à un monde imaginaire.

Votre mère était bibliothécaire et vous, vous êtes fan de cinéma. Qu'est-ce qui vous a le plus influencé, le livre ou l'écran?

Davantage les livres, et davantage les livres de fiction. Parce que dans un livre, vous êtes au coeur de la psychologie des personnages alors que dans un film, vous êtes davantage dans l'action. Dans un film, tout le monde voit les mêmes images; dans un livre, chacun se projette des images différentes dans sa tête.

En 2004, à votre deuxième roman, c'est là que le grand succès est arrivé. Ça vous a frappé comme un train?

Pas vraiment, puisqu'à l'époque, j'avais un autre métier. J'étais enseignant, un métier que j'ai continué d'exercer jusqu'en 2007. Je l'ai pris comme une liberté, une chance, de continuer à écrire. Je me suis dit que le succès de ce livre allait me permettre d'en écrire d'autres.

Au fil de tous ces livres, vous êtes devenu l'un des romanciers français les plus vendus. Ressentez-vous cela comme une liberté ou comme une pression?

C'est une question que je ne me pose jamais. Quand j'écris, je ne me demande jamais si le livre va être lu. Je me raconte l'histoire à moi-même en écrivant. Bref, j'écris l'histoire que j'aimerais lire.

Vous rencontrez beaucoup de lecteurs. Que disent-ils de vos livres?

La chose qui revient le plus, c'est cette idée de lire pour se créer une échappatoire, pour plonger dans une bulle. C'est d'ailleurs ce qui m'a fait lire étant jeune, cette idée dont parle Umberto Eco: celui qui ne lit pas ne vit qu'une seule vie, alors que celui qui lit va pouvoir en vivre 500 ou 1000. Ou alors comme le dit Bernard Pivot: lire, c'est quitter le monde pour y revenir par une autre porte.

La jeune fille et la nuit. Guillaume Musso. Calmann-Lévy. 432 pages.