La scénariste française Véro Cazot, étoile montante de la maison Casterman, vient de faire paraître un magnifique album illustré par la Montréalaise d'adoption Camille Benyamina avec qui nous avons discuté.

Nous avons découvert Véro Cazot l'automne dernier avec Betty Boob, illustré par la Québécoise Julie Rocheleau. Un album muet soigneusement scénarisé, mettant en scène la jolie Élisabeth qui, après avoir subi une mastectomie, est engagée comme danseuse dans un cabaret burlesque. Une histoire réjouissante, émouvante et théâtrale, qui a connu un beau succès critique.

Cette fois, la scénariste française a imaginé un récit centré sur le personnage de Max, grand timide, timoré et maladroit, qui passe pour ainsi dire inaperçu. Ce bon Max, nouvellement séparé, fera la connaissance de la pétillante Léonie, qui habite dans son immeuble. Mais la belle rouquine ne fera pas grand cas de lui...

En fait, dès les premières pages, Max deviendra invisible. Une transparence qui caractérise parfaitement les traits de ce personnage.

«J'ai tout de suite eu un coup de coeur pour ce texte de Véro, nous dit l'illustratrice Camille Benyamina, qui a dessiné au moins deux albums chez Casterman (Violette Nozière, vilaine chérie et Chaque soir à onze heures). Les dialogues sont fluides, et on se laisse facilement emporter par le piquant, la tristesse et l'humour des situations», nous dit la Française qui vit à Montréal depuis huit ans.

Il reste que les défis posés par Véro Cazot ne sont pas minces. Si, dans Betty Boob, Julie Rocheleau a dû multiplier les acrobaties pour raconter cette histoire sans dialogues, Camille Benyamina a dû trouver le moyen de dessiner le personnage introverti de Max en transparence... De le superposer en permanence au monde réel dans lequel il évolue.

Trois ans de travail

«J'ai jonglé avec plusieurs idées, comme d'illustrer l'album en noir et blanc, ou de mettre une couleur en aplat pour représenter le personnage de Max, nous dit Camille Benyamina, mais finalement, j'ai opté pour un album en couleurs, dans les pastels et les aquarelles, et j'ai mis une transparence sur le personnage pour qu'on sente qu'il est vraiment effacé.»

Le résultat est saisissant. Et la fantaisie du scénario de Véro Cazot, très bien servie. La dessinatrice a d'ailleurs planché pendant trois ans sur cet album. «Il fallait que Max soit timide et effacé, donc j'ai opté pour un grand dadais un peu maladroit, mais je voulais aussi qu'il ait du charme. Dans mes premiers dessins, on le trouvait trop moche!», nous dit Camille Benyamina. Donc je l'ai fait un peu plus beau...»

Max est donc, en quelque sorte, un fantôme, «comme beaucoup de gens, qui passent inaperçus», nous dit la dessinatrice diplômée de l'école Émile-Cohl (à Lyon). Léonie, qui reçoit la visite d'étranges esprits, ne le voit pas, mais, comment dire... elle le ressent. Car il s'insinue dans sa tête, et influe sur son humeur, un peu comme dans le film Being John Malkovich.

Grâce à son imaginaire, Max partagera le quotidien de Léo, emménagera chez elle et dormira même à ses côtés.

Entre eux se tisse une relation totalement fictive, mais romancée à souhait - par lui évidemment ! Une romance qui, étrangement, parviendra à se frayer un chemin jusqu'à elle. Parallèlement à cette quête amoureuse, on en apprendra un peu plus sur les origines et la jeunesse de Max - qui pourrait peut-être expliquer sa timidité - et les circonstances entourant son «accident», que nous ne révélerons pas...

Grâce aux dessins de Camille Benyamina, on embarque à fond dans cette comédie romantique signée Cazot. Les expressions faciales et les postures sont d'ailleurs hyper réalistes, et au fil des pages, le lecteur se trouve rapidement dans le même rôle que Max. Comme lui, nous sommes les témoins invisibles du quotidien de Léonie, à qui on finit, nous aussi, par s'attacher.

«L'attitude des personnages était importante, nous dit encore Camille Benyamina, qui travaille le jour comme graphiste et illustratrice pour le concepteur d'applications de jeux Playtika. Je voulais qu'on puisse entrer facilement dans leur intimité. C'était aussi important pour moi de les aimer, de ne pas me lasser d'eux, parce que je les ai côtoyés pendant trois ans!»

La suite est pleine de promesses pour la dessinatrice de 30 ans, même si elle n'est pas encore conscrite dans un projet bédé. «J'ai quelques idées, mais je ne suis encore engagée dans rien», nous dit Camille Benyamina, devenue "canadienne" il y a deux semaines. D'ici là, elle s'apprête à lancer Les petites distances le 17 mai, à Montréal, avant de passer une partie de l'été en France, où elle fera ses premières signatures pour un album paru... au Québec.

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Les petites distances. Camille Benyamina et Véro Cazot. Casterman. 150 pages.

Photo fournie par Casterman

Les petites distances, de Camille Benyamina et de Véro Cazot