En roman populaire, Musso rime (sans rimer) avec Guillaume. Guillaume Musso. L'écrivain français le plus vendu. Émergeant de l'ombre du grand frère - plus sombre, plus littéraire, préférant l'histoire, celle qui n'est jamais complètement fermée et qui revient hanter le présent, à la romance teintée de fantastique -, se trouve Valentin.

Valentin Musso. Il faut se rappeler ce prénom.

Agrégé de lettres et prof de littérature, il est l'auteur de La ronde des innocents (qu'il a présenté à un éditeur sous le nom de sa femme, Tournier, pour ne pas «influencer» la donne), des Cendres froides, du Murmure de l'ogre, de Sans faille, d'Une vraie famille et de La femme à droite sur la photo.

Pour ce dernier, le passé se trouve à la fin des années 50, à Los Angeles. Le présent, entre New York et Hollywood, à la fin des années 90. Ici, le maccarthysme. Là, le scandale Clinton. Autrefois, une actrice, Elizabeth Badina, qui quitte son domicile par un beau matin et se volatilise à jamais. Aujourd'hui (du moins, dans le présent du roman), David Badina, le fils d'Elizabeth, entraîné sur les traces de sa mère par le réalisateur Wallace Harris, l'une des dernières personnes à avoir vu la jeune femme vivante.

Ce roman, moins sombre que ses précédents et où l'amour occupe beaucoup de place sans y jouer de la corde romantique, est né de la passion de Valentin Musso pour le cinéma.

«Adolescent, je voyais beaucoup de films, j'adorais en particulier le cinéma américain d'après-guerre», dit-il lors d'une entrevue téléphonique accordée à La Presse

«Ça faisait donc longtemps que je voulais écrire un livre qui se déroule aux États-Unis, mais pas pour les États-Unis, pour Hollywood, ce cadre particulier, cette atmosphère un peu nostalgique.»

On ne s'étonnera pas du nombre de références cinématographiques placées ici et là au fil des pages. Clins d'oeil aux initiés qui, toutefois, ne diminueront pas le plaisir de ceux qui ne le sont pas.

Il y a du Marilyn Monroe et du Jean Tierney dans Elizabeth. Il y a du Jean Spangler dans sa disparition: l'actrice et danseuse s'est en effet évanouie dans la nature à la fin des années 40 et n'a jamais été retrouvée. Il y a aussi du Stanley Kubrick dans Wallace Harris, de son génie, de son exigence... et du peu de films qu'il a laissé. Et puis, il y a du Hitchcock, celui de Vertigo et de Pas de printemps pour Marnie, dans l'intrigue.

De McCarthy à Clinton

«Il y a eu quelque chose de ludique pour moi à écrire ce roman que je vois un peu comme un hommage à ce genre et à cette époque», fait Valentin Musso qui s'est amusé à lancer un pont entre les deux décennies qu'il explore ici: «Je trouvais intéressant de faire le parallèle entre le maccarthysme et le scandale Clinton, l'importance de la sexualité en politique et la surveillance de personnalités connues.»

Encore une fois, et c'est une constante dans son oeuvre, l'histoire, celle qui porte une majuscule, reprend ses droits sur le présent. Laisse émerger ses secrets. «C'est ce que j'aime des romans policiers, pas l'action, mais le travail sur la psychologie des personnages, l'énigme qui trouve sa source dans le passé, dans les secrets de famille. Je conçois le roman policier comme une enquête, mais aussi une enquête sur le passé des personnages qui devient une quête personnelle.»

Il se joue ainsi un peu des genres et varie les plaisirs, à la manière de ceux qu'il considère comme ses influences: Stephen King, Dennis Lehane, Donna Tartt. Ils sont ceux qui ont succédé à ses premiers «mentors»: les Agatha Christie, Conan Doyle et Gaston Leroux, qu'il a dévorés à l'adolescence - avant de tomber dans les classiques français et russes. «Ma mère était bibliothécaire et mon père vouait une adoration à Jean Giono. Nous sommes devenus de très grands lecteurs à l'adolescence.»

«Nous», c'est lui, Guillaume... et Julien, le troisième frère. Pas (encore) écrivain. «Il a de bonnes idées et il est de bon conseil... mais avoir deux frères écrivains, c'est pas évident [rires]», dit le romancier qui lui a dédié La femme à droite sur la photo et qui parle de ses frangins avec une affection non feinte.

Le succès de Guillaume, son aîné, n'est pour lui ni source d'inspiration, ni émulation, ni concurrence. «Nous n'avons pas été élevés dans cet esprit-là. Je n'ai jamais senti de pression à cause de son succès. Vous savez, quand on écrit, on est plongé dans notre propre histoire, notre propre bulle. Je ne pense pas à ses livres à lui quand j'écris.» 

Mais il les lit. Et, donc, il peut comparer. Il l'a fait pour La Presse.

Valentin c. Guillaume

• «Si Guillaume tend maintenant vers le thriller, au départ, nous avons exploré des genres très différents. Moi, le roman policier. Lui, la comédie romantique avec une touche de fantastique. Donc, quand j'ai commencé à être publié, une dizaine d'années après lui, nous n'avions pas le même public.» Ils se recoupent peut-être aujourd'hui. Un peu.

• «Nous optons pour des rythmes différents. Je prends sans doute plus mon temps, je suis plus dans l'atmosphère et la psychologie. Pour le coup, il a peut-être une écriture plus cinématographique que la mienne, plus rapide, avec des phrases plus courtes.» En fait, Valentin est plus littéraire que Guillaume.

• Pour ce qui est de l'acte d'écrire, Valentin, qui enseigne toujours, mais va se mettre probablement en disponibilité l'an prochain «parce que ça devient compliqué, les romans ont pris une place essentielle dans [sa] vie», n'a «absolument aucun rituel d'écriture, [il écrit] quand [il peut], les week-ends, en vacances». Guillaume, lui, écrivain à temps plein, n'écrit pas chez lui, jamais, il se rend ailleurs comme s'il allait au boulot - afin de rentrer chez lui le soir et de passer de la fiction à la réalité.

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La femme à droite sur la photo. Valentin Musso. Seuil. 427 pages.

Image fournie par les Éditions du Seuil 

La femme à droite sur la photo, de Valentin Musso