Le cinquième roman du cinéaste Patrice Leconte est une fable sur le don d'ubiquité, sur le double et son inévitable complexité.

Un homme, qui n'est pas Patrice Leconte, s'ennuie. L'argent ne manque pas, sa femme est aimante. Louis Bouvier n'a rien à faire. Le pauvre passe son temps à peser les objets dans son insoutenable légèreté d'être peinard.

Il hérite d'une machine, l'Ubiq, lui permettant d'être à deux endroits en même temps. Ce qui ferait saliver les plus vicieux l'enfonce, lui, dans son manque d'imagination.

«Si j'avais ce petit appareil magique, je ne sais pas très bien ce que j'en ferais, avoue Patrice Leconte joint à Paris. Je serais aussi désemparé que le héros de mon bouquin qui ne me ressemble pas. Je ne profiterais absolument pas de cet appareil pour avoir des aventures extraconjugales. Bon, peut-être une semaine, mais pas plus.»

Ce livre aussi fantaisiste que son auteur pose la question du monde virtuel et de l'utilité des technologies.

«Toutes ces choses de la technologie moderne qui nous incitent à aller ailleurs, qui nous font penser qu'on communique avec le monde entier alors qu'on ne le fait pas avec le type à côté de nous dans le métro... Toutes les communications virtuelles qui sont vénéneuses, ça me préoccupe beaucoup.» 

La grande question, dit-il finalement, c'est: pourquoi aller chercher ailleurs ce que l'on a chez soi?

«On croit toujours que tout est mieux ailleurs ou que le type dans la rue a plus de chance que nous. Ce n'est pas vrai! Il faut juste profiter de ce que l'on a. Il s'agit de se parfumer la vie, voilà!»

Vivre sa vie tout simplement, précise-t-il. Sans se mentir à soi-même. Ce qui n'exclut en aucun cas le rêve et la fantaisie.

«Ce qui nous permet de nous échapper du quotidien, ce sont des trucs formidables. Si on ne s'attache qu'au quotidien, on s'endort lourd chaque soir. Je crois à la puissance de la rêverie, de l'imagination. Essayer de s'approcher de ses fantasmes pour les caresser un temps, c'est grisant.»

Le virtuel peut être un outil, souligne-t-il, mais ce n'est pas nécessairement mieux que le réel. 

«On va vers une erreur humaine lamentable. Dans le métro de Paris hier, une personne sur 50 lisait un bouquin, c'est super, mais 90 % des usagers avaient le nez dans leur iPhone. Ça me fait flipper parce qu'on oublie de s'intéresser aux humains autour de nous.» 

Ubiquité embêtante

Tout le monde dans le monde se plaint du manque de temps, mais personne ne voudrait d'un don d'ubiquité, croit-il à la fin. Ce serait plus embêtant qu'autre chose.

«Avec l'ubiquité, je pourrais prendre deux rendez-vous presque au même moment, mais ce n'est rien d'extraordinaire. Ce qui m'amusait dans le livre, c'est que le dispositif tombe dans les mains d'un type qui avait du mal à faire quelque chose de ses journées. C'est un personnage assez primaire qui l'utilise pour s'envoyer en l'air.»

«J'espère que le personnage de Louis reste attachant. On l'aime bien, même si on n'a pas vraiment envie de lui ressembler.»

On a souvent dit au réalisateur de Ridicule et de La fille du pont que ses romans faisaient penser à des films; Louis et l'Ubiq n'est pas différent. 

«C'est le premier de mes romans que j'aurais envie de porter à l'écran. Je ne suis pas sûr, mais peut-être. Ce serait marrant à faire. Si je trouve le bon casting pour Louis, il n'est pas impossible que je fasse le pas», conclut celui qui a écrit en 2011 J'arrête le cinéma et qui a tourné trois films depuis!

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Louis et l'Ubiq. Patrice Leconte. Arthaud. 184 pages.

Image fournie par Arthaud

Louis et l'Ubiq, de Patrice Leconte