Nathalie Leclerc était encore adolescente lorsqu'elle a décidé qu'elle consacrerait sa vie à la mémoire de son père Félix, qui est mort un peu plus tard alors qu'elle n'avait que 19 ans, en 1988. Une tâche qu'elle a accomplie avec passion en prenant les rênes de la Fondation Félix-Leclerc et en créant le magnifique lieu de diffusion qu'est l'Espace Félix-Leclerc à l'île d'Orléans. Mais elle a attendu près de 30 ans après la disparition de Félix avant de publier un premier livre, son rêve de toujours.

« Il y a deux côtés à une médaille. C'est extraordinaire d'avoir été la fille de Félix. Mais même si j'écris depuis l'adolescence, car pour moi c'est vraiment une pulsion, j'ai toujours eu cette espèce de peur de me faire comparer, ou qu'on m'accuse de me servir de lui et qu'on dise que j'étais publiée seulement parce que j'étais la fille de. »

Nathalie Leclerc ne changerait pas de père pour autant, bien sûr. « Je pourrais t'en parler jusqu'à demain matin ! », lance-t-elle. Il aura été la grande inspiration de sa vie, il était donc logique que son premier livre soit consacré au poète de l'île d'Orléans. La voix de mon père, recueil d'une centaine de courts textes très poétiques où l'émotion est à fleur de peau, est le portrait de Félix vu à travers le regard d'une petite fille amoureuse de son père, qui arrêtait de vivre lorsqu'il partait en tournée et qui a grandi en emmagasinant chaque détail de lui.

« Ce n'est pas une biographie car je ne suis pas biographe, ce n'est pas mon métier, explique-t-elle. Il y a des choses que je ne peux raconter car je n'étais pas là. D'ailleurs, il n'y a pas de date : c'est un peu intemporel et je voulais ça. »

« Je voulais surtout montrer que mon père était l'homme authentique que vous avez connu, conforter les gens dans la vision qu'ils ont de lui. Et c'était un maudit bon père. Ce livre est une lettre d'amour à mon père, comme n'importe quelle fille aurait pu écrire. »

Mais Félix n'est pas n'importe quel père. Et si Nathalie Leclerc raconte dans ce livre comment il aimait observer la nature et lui en montrer la beauté, il est fascinant de découvrir ce Félix en grande séance de ménage et jetant une bonne partie de ses manuscrits à la poubelle - « Je suis tellement fâchée contre lui, mais aussi contre moi qui l'ai laissé faire ! » - ou excité comme un enfant à l'idée de recevoir Maurice Richard chez lui.

Nathalie Leclerc a mis des années à faire le deuil de son père. Elle raconte aussi dans le livre ce long et dur chemin parcouru depuis sa mort. « Ça m'a pris six ans avant d'être capable de juste voir une photo, de réécouter une entrevue. Je ne le pleure plus maintenant, mais je l'ai longtemps pleuré. Un jour, j'ai compris que je pouvais trouver des réponses dans son écriture. C'est fantastique d'avoir un père qui écrit ! Sa présence est donc toujours très forte en moi. »

Après deux ans passés en France avec ses trois garçons, Nathalie Leclerc est revenue s'installer à l'île d'Orléans l'été dernier. Si elle garde un oeil sur la Fondation Félix-Leclerc, elle n'est plus aussi impliquée qu'avant et semble s'être affranchie un peu de son rôle de gardienne de la mémoire. Son désir : écrire encore plein d'autres livres.

« J'espère que les gens aimeront celui-ci et que j'en publierai plein d'autres. Mais je pense que je pourrai maintenant sortir de lui. Je ne suis plus une petite fille qui cherche son père. »

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La voix de mon père, Nathalie Leclerc, Leméac, 154 pages. En librairie.