Après le récit autobiographique Démaquillée et le roman Le pot au rose, Dominique Bertrand lance cet automne Le coeur gros. Dans ce nouveau roman, l'ex-mannequin et animatrice raconte l'histoire d'Arielle, 11 ans, une petite fille obèse et mal dans sa peau qui ne sait pas comment dire sa souffrance, alors que ses proches refusent de la voir.

Vous avez publié trois livres en six ans. Êtes-vous devenue une auteure à temps plein?

Oui, et je suis déjà très impatiente de commencer le prochain. C'est comme une espèce de drogue. J'adore ça, je suis très contente, et j'ai la chance inouïe de pouvoir m'y consacrer. Je peux mettre tout mon temps là-dessus, y aller à mon rythme.

Vous écrivez vite?

Pantoute. Allô, la tortue! J'ai des problèmes de mémoire depuis la ménopause, de concentration en fait. Ça me demande un temps fou juste de rester en contact avec mon manuscrit. Je suis lente parce que très exigeante, j'ai besoin que ce que j'ai écrit me plaise à 100 % pour continuer.

L'image corporelle est au centre de ce roman. Vous êtes partie du thème ou du personnage pour l'écrire?

C'est bizarre, le personnage est apparu un jour où je revenais de l'épicerie. Toute l'histoire s'est étendue sur mon pare-brise et s'est imposée de manière magistrale. Je suis très sensible à ce que vivent les enfants, les préadolescents, à cette détresse, cette anxiété qui ne va nulle part. C'est pour ça que j'ai choisi l'âge de 11 ans pour Arielle, parce que c'est un âge où on n'a pas voix au chapitre et où on commence aussi à se voir avec un regard très critique, impitoyable. Quand j'étais ado, j'étais complexée à mort parce que j'étais grande, on me traitait d'asperge, de squelette, j'étais une grande maigre qui n'avait rien pour elle. Je ne connais personne qui est passé à travers son adolescence, son enfance, sans éprouver un sentiment d'isolement, de solitude, de manque d'écoute.

Le livre se termine et on ne sait pas ce qu'Arielle deviendra. Vous l'imaginez après?

C'est ça, mon drame! J'ai décidé de lui laisser le pouvoir sur sa vie, de la regarder s'en aller. Je ne sais pas ce qu'elle va devenir et ça me fend le coeur. Juste en parler et j'ai envie de pleurer. J'ai aimé Arielle comme une personne. Je m'en détache actuellement, mais ça m'a tout pris, j'ai l'impression d'avoir mis au monde une enfant et de devoir l'abandonner.

Arielle a beau évoluer dans un milieu aisé, personne ne voit sa peine, personne ne l'écoute. Qu'avez-vous envie de dire aux parents?

Surveillez ce que vous dites, vos enfants vous écoutent. Dans le livre, ça arrive souvent: les parents disent des horreurs, Arielle écoute et ça lui rentre dedans. Les adultes disent des affaires des fois, portent des jugements sur des situations, sur des gens, basés sur des critères futiles. Ce n'est pas juste ce qu'on leur raconte, mais aussi l'exemple qu'on leur donne. J'ai envie de dire aux parents: «Essayez de tirer les vers du nez de vos enfants. Ce n'est pas parce qu'ils vous disent que tout va bien que tout va bien. Il faut garder la ligne ouverte.»

Pourquoi parler encore de l'image corporelle?

Parce que je ne suis pas certaine qu'on a avancé tant que ça. Il y a le discours qui dit «accepte-toi comme tu es», mais il y a une réelle souffrance à être différent dans la société d'aujourd'hui et on ne veut pas entendre cette souffrance. Il y a un danger, un piège, surtout pour un enfant comme Arielle, à dire «accepte-toi comme tu es», parce que c'est nier sa souffrance alors qu'elle est légitime. Oui, c'est vrai qu'il faut s'accepter, mais que reste-t-il à l'enfant qui n'est pas entendu? 

Quelle vie souhaitez-vous à votre livre?

Qu'il vole de ses propres ailes. J'espère que les gens le liront et qu'ils aimeront Arielle autant que je l'aime. Que ça va les remettre en contact avec leur coeur d'enfant aussi, et qu'ils réaliseront que les enfants ont besoin d'être entendus. 

Vous travaillez sur un autre livre?

J'ai déjà une structure. Mais j'ai un problème à une épaule et, en ce moment, je ne peux pas m'installer à l'ordi. Je me donne jusqu'en janvier pour me remettre à l'écriture. Ce sera sur un sujet complètement différent, la paternité. 

C'est ce qui vous intéresse, la vie quotidienne, l'intimité?

Clairement. Ce que les gens font ne m'intéresse pas tant, mais ce qu'ils éprouvent, oui.

Le coeur gros. Dominique Bertrand. Québec Amérique. 210 pages.

Photo François Roy, La Presse

Après le récit autobiographique Démaquillée et le roman Le pot au rose, Dominique Bertrand lance cet automne Le coeur gros.