Né à Jonquière dans une famille de Bleuets, Guillaume Morissette a choisi d'écrire dans la langue de Shakespeare pour «repartir à zéro et [se] réinventer». En marge de la publication en français de son premier roman, Nouvel onglet, La Presse l'a rencontré dans le Mile End. Là où sa métamorphose anglo-montréalaise a débuté.

Pour un jeune homme timide et anxieux, Guillaume Morissette a de l'aplomb. D'entrée de jeu, l'auteur se dit mal à l'aise avec les questions identitaires du journaliste. Et lance cet avertissement à tous ceux qui voudraient interpréter Nouvel onglet comme le portrait d'une génération.

«Mon livre ne parle pas d'identité. Il est basé sur mes expériences à moi, pas de ma génération ou de ma communauté, dit-il. Écrire en anglais n'est pas un geste politique. Et vivre dans le Mile End avec des amis anglais ou bilingues, ça ne me rend pas moins Québécois.»

L'histoire de Guillaume Morissette est pourtant peu commune. C'est celle d'un gars de Jonquière qui a longtemps cherché sa place. Pas au soleil. Plutôt dans l'ombre ou dans la marge. Après avoir tenté sa chance à Québec en travaillant pour une boîte de jeux vidéo, il arrive à Montréal plus seul et déprimé que jamais. Or, la métropole lui offrait la possibilité de se fondre dans le paysage pour mieux se comprendre et de se réinventer.

La bohème du Mile End

«J'aime beaucoup Montréal et le quartier Mile End. Je peux y avoir une identité fluide, pas entièrement francophone et pas entièrement anglophone», dit l'auteur de 30 ans qui a fait table rase de sa famille, de son passé, de ses origines, de sa culture.

Il pense que beaucoup de jeunes Canadiens anglais qui déménagent à Montréal sont, comme lui, des marginaux. «Ils étaient le mouton noir de leur famille, au Manitoba ou dans le nord de l'Ontario. Et ici, ils trouvent une nouvelle famille.»

Il suffit de s'attarder un après-midi dans les cafés végétaliens ou de déambuler rue Bernard pour réaliser qu'ici, personne ne peut être «rejet». Ici, tout est affaire de métissage et de liberté.

Écrit en anglais en 2014 (sous le titre de New Tab), le premier roman de Morissette est assez autobiographique. Le narrateur se nomme Thomas. C'est un francophone de Jonquière qui habite dans le Mile End avec des colocataires anglophones constamment sur le party. Thomas, comme l'auteur, écrit des poèmes et est passionné de jeux vidéo.

Dans son roman, Morissette peint un tableau impressionniste de la (jeune) bohème urbaine. Celle qui se cherche, surtout la nuit, en tentant de créer du sens dans un monde qui en est fort dépourvu.

Blessures émotionnelles

Les livres ont sans doute sauvé la vie de Guillaume Morissette. Avant d'écrire, il a beaucoup lu. Des auteurs américains de l'alternative lit: Miranda July, Lorrie Moore; Tao Lin; Ben Lerner, Blake Butler, Ann Beattie, Lydia Davis... Des lectures bénéfiques.

Avant de se réinventer dans le Mile End, il a été un adolescent solitaire qui écoulait le temps devant son écran d'ordinateur dans le sous-sol d'un bungalow. Il a connu la dépression, le rejet, l'intimidation.

Ses blessures émotionnelles ne sont pas complètement disparues, dit-il, ce qui explique que son alter ego ait une obsession pour ses cheveux et son apparence. «Je me suis replacé les cheveux 20 fois pendant que le photographe me prenait en portrait...» 

«En fin de compte, ce n'est pas nécessairement triste ou négatif. Ça m'a donné un esprit imaginatif, une capacité à être seul sans que ce soit un problème.»

Ça lui a aussi permis de faire le pont entre les communautés anglo et franco. «Il y a un mouvement constant chez les jeunes anglophones qui s'installent à Montréal, dit-il. Ils aiment la ville, mais ils ne restent pas. C'est un lieu de passage, de transition.»

Hélas, ce n'est pas à tous de savoir se reconstruire, au pays des deux solitudes.

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Nouvel onglet. Guillaume Morissette. Traduction de Daniel Grenier. Boréal. 256 pages.

PHOTO fournie par la maison d'édition

Nouvel onglet, de Guillaume Morissette, a été traduit par Daniel Grenier.