Chaque mois, nous vous proposons un portrait de libraire qui pratique son métier dans une librairie indépendante. Cette semaine, Manon Trépanier, qui travaille depuis 18 ans à la libraire Alire de Longueuil, répond à nos questions.

Libraire: profession ou vocation?

Je dirais qu'il faut avoir la vocation pour exercer cette profession, ou plutôt, ce métier, puisqu'il existe maintenant une certification au métier de libraire. Comme c'est un métier qui n'est pas très bien rémunéré, et que tout ce qui l'entoure est en grande mutation, il faut tout de même démontrer une «profession de foi» dans le livre. Et avoir un amour immodéré pour les lecteurs, les auteurs et les éditeurs, c'est pas mal non plus!

Combien de livres lisez-vous par année?

De 200 à 300.

Quelle est la question la plus étrange qu'on vous ait posée?

Probablement celle que tous les libraires se sont fait poser au moins une fois dans leur vie: «Avez-vous lu tous les livres de votre librairie?» Pour info, nous tenons en stock 25 000 titres, et il paraît environ 5000 nouveautés par an! Si j'étais pharmacienne, je ne crois pas qu'on me demanderait si j'ai essayé tous les médicaments...

Quelles sont les qualités d'un bon libraire?

D'abord et avant tout, ce dévoreur de livres doit savoir écouter et faire preuve d'une grande curiosité. Il doit aussi avoir une bonne capacité d'adaptation, une certaine empathie naturelle, nécessaires pour offrir un bon service à la clientèle. Avant, les bons libraires avaient des mémoires phénoménales; avec l'arrivée des ordinateurs, ce n'est plus un si grand besoin, mais la facilité et le plaisir de communiquer sont essentiels. Le libraire sort de plus en plus de sa boutique pour ses conseils dans les médias, mais aussi pour faire des prescriptions de lecture sur la place publique. 

Quel livre avez-vous le plus souvent suggéré?

Tous titres confondus, je dirais que ce sont les livres de Suzanne Myre, parce qu'ils plaisent à tous les lecteurs. Je suggère le roman B.E.C. pour les lectrices de «chick lit» qui veulent partir en vacances avec un roman divertissant mais pas «quétaine». Je suggère les recueils de nouvelles, particulièrement Humains aigres-doux, à tous ceux qui me disent qu'ils n'ont pas le temps de lire. Du côté des essais, je recommande, depuis sa parution, Ce désir toujours, un abécédaire de Denise Desautels. C'est un livre que je trouve magique. Du côté jeunesse, je suggère toujours l'album Je suis fou de Vava, non seulement pour le texte de Dany Laferrière, adapté de L'odeur du café, mais aussi pour les formidables illustrations de Frédéric Normandin, qui nous transportent en Haïti.

Quel est l'avenir des librairies indépendantes?

Bien que nous vivions dans un monde en grand bouleversement et que l'équilibre soit fragile, je suis très optimiste face à l'avenir des librairies indépendantes. Depuis la commission parlementaire sur le prix réglementé du livre, on a beaucoup montré à quel point la librairie est un lieu important pour promouvoir la culture et assouvir les passions livresques: découvertes, conseils, rencontres, recherches, possibilité de commander à travers tout le catalogue des livres offerts. La coopérative des Librairies indépendantes du Québec (LIQ), avec son portail www.leslibraires.ca, nous a permis de faire front commun dans la vente de livres numériques et papier par l'internet. Notre association (Association des libraires du Québec) fourmille d'idées pour promouvoir les libraires. Souvent, les clients nous remercient de notre présence dans leur communauté, et ils nous font part de leur fierté d'encourager une librairie indépendante.