Entre sa vie d'artiste de cirque et son travail d'écriture, Geneviève Drolet tient en parfait équilibre. De retour de Dubaï où elle a passé les deux derniers mois avec le Cirque Éloize, la jeune femme de 30 ans vient de lancer son quatrième roman en quatre ans, Panik, inspiré de ses séjours à Igloolik.

Son premier roman Sexe chronique, paru en 2011, a pris la forme d'un journal intime. Cette spécialiste d'équilibre, qui travaille notamment avec le Cirque Éloize et les 7 doigts de la main, s'était inspirée de sa vie d'artiste nomade pour créer le personnage de Kira. Une jeune femme libertine particulièrement douée pour les aventures sexuelles sans lendemain.

Ont suivi en rafale Le reflet de la glace et Attaches, une histoire grise, deux romans fondés sur l'érotisme qui abordaient de nouveau le thème des relations amoureuses tortueuses, tantôt avec humour, tantôt avec désespoir. Avec Panik, Geneviève Drolet nous emmène complètement ailleurs. Dans les contrées arides du Nunavut où se déroule une intrigue familiale étonnante.

Panik (qui signifie fille en inuktitut) fait le récit d'une adolescente de 16 ans, Dorothée, qui échoue à Igloolik à la suite d'un incident survenu dans son école. La jeune femme réactionnaire envoyée contre son gré dans le Nord par ses parents cohabitera dans une vieille bicoque avec un certain Mike, homme corpulent de peu de mots qu'elle surnommera le Yéti.

La première fois que Geneviève Drolet a foulé le sol craquant d'Igloolik, c'était en 2008 dans le cadre d'une coproduction entre les 7 doigts de la main et la troupe d'ArtCirq, projet de cirque social mis sur pied en 1998 par le Cirque Éloize dans le cadre d'un programme de prévention du suicide des jeunes. Durant ce premier séjour au Nunavut, la jeune femme a eu un choc.«J'ai visité au moins 35 pays comme artiste de cirque, mais c'est la première fois que je me suis sentie aussi dépaysée, confie-t-elle. La culture, les codes sociaux, tout est différent. Si tu ne te réveilles pas, personne ne va venir te chercher. S'il y a une baleine au loin, ils vont aller la chasser plutôt que de répéter un spectacle. Moi j'avais 22 ans, je ne comprenais pas très bien ce qui se passait.»

Elle aurait pu en rester là. Mais Geneviève Drolet a continué de s'intéresser aux us et coutumes de cette communauté. Elle est retournée en 2013, guidée par l'artiste de cirque Guillaume Saladin (vu avec le Cirque Alfonse) qui dirige la troupe d'ArtCirq depuis 2005. «À ce moment-là, j'étais vraiment dans d'autres dispositions, dit-elle. J'avais envie d'en apprendre plus, je voulais que mon roman se passe là-bas.»

Le Far West

Au fond, on sait peu de choses de ce Yéti solitaire et rustre outre qu'il déstabilise complètement la jeune ado, dépourvue de repères.

«Je savais que je voulais faire un faux roman policier où le personnage principal s'imagine le pire, avoue Geneviève Drolet. Parce que là-bas, c'est un peu le Far West, tout peut arriver. Tous les personnages sont un peu en panique intérieure, même s'ils ne le montrent pas.» Sans être un thriller policier, la jeune auteure parvient à créer un réel suspense sur la nature et les motivations des personnages.

À travers cette relation étrange qui se tisse entre le Yéti et Dorothée, on découvre petit à petit quelques-uns des secrets qu'ils portent en eux.

Geneviève Drolet s'est bien sûr inspirée de certaines rencontres faites à Igloolik, comme cette femme du village surnommée «Hot Babe». «C'est une femme qui a cinq enfants, son mari est super chétif, mais elle est énorme! Quand elle entend parler d'un homme qui bat sa femme, elle le retrouve et elle lui casse la gueule!»

L'auteure s'est aussi fascinée pour ces enfants simplement donnés à des membres de la communauté lorsque les mères estiment qu'elles sont incapables de s'en occuper.

Réponse interrogative

Bref, au contact de cette communauté, le personnage de Dorothée cheminera. «Les gens ici ne posent pas de questions, écrit l'auteure. Tu ne t'adresses jamais à un vieux pour savoir quelque chose. Ça doit venir d'eux. Leur manière d'apprendre c'est de regarder comment les autres procèdent. Par imitation. Personne ne se présente comme une réponse absolue à une question.»

Pour illustrer cette philosophie, Geneviève Drolet s'est amusée à écrire certains dialogues avec des phrases interrogatives. «C'est drôle parce que ça fait partie de leur culture. Ils disent toujours "Maybe"...».

Aujourd'hui, Geneviève Drolet a envie de poursuivre cette recherche sur les peuples du Nord. En ce moment, elle lit les romans autobiographiques de l'écrivain norvégien Karl Ove Knausgaard. «Je suis fascinée par cette culture des pays nordiques, leur mode de vie, leur rapport au froid. Là je travaille sur la culture des saunas nordiques. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce n'est pas du tout sexuel!»

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Panik. Geneviève Drolet. Tête première. 313 pages.