Adèle. Béatrice. Cécile. Diane... et les autres, jusqu'à Zoé pour la lettre Z. Ce sont les pures et dures du nouveau recueil de nouvelles d'Andrée Ferretti, 26 portraits de femmes libres ou en quête de liberté par tous les moyens.

«Ce sont des femmes qui essaient, même dans des situations difficiles, de se débrouiller seules, dit Andrée Ferretti. Chacune a un rapport spécifique avec la liberté et ce désir fondamental d'assumer son destin. Certaines atteignent leur but par la violence, tandis que d'autres sont tentées de choisir la sécurité plutôt que la liberté.»

Féministe mais avant tout militante indépendantiste de très longue date, Andrée Ferretti a mené mille combats avec, en tête, cette idée de liberté.

Sa toute première bataille, elle l'a menée dès l'âge de 11 ans en se déclarant athée, en 1946 sous Duplessis, au sein d'une famille catholique et au grand désespoir de sa mère, femme pieuse, voire bigote. Pour sauver son âme, on l'envoya pensionnaire dans un couvent. Mais ce fut peine perdue: pendant un an et demi, chaque matin, à la messe, elle restait assise sur son banc, refusant de s'agenouiller et d'aller communier. Pas question, pour acheter la paix, de faire semblant!

«Même aujourd'hui, à 80 ans, pour moi, dissimuler, faire semblant, ne pas dire ce qu'on pense, c'est impensable! Être humain, c'est se tenir debout, et la liberté, ça se conquiert. Même quand on l'a déjà, ce n'est pas acquis de façon irréversible.»

Imagination

Les nouvelles d'Andrée Ferretti ne sont pas pour autant inspirées de sa vie ou de celle de femmes qu'elle a connues.

«C'est avant tout l'oeuvre de beaucoup d'imagination, dit-elle. Il n'en reste pas moins que ma conception du monde et de la vie transparaît dans chaque nouvelle, même si les situations souvent exceptionnelles que ces femmes vivent n'ont aucun rapport avec ce que j'ai vécu.»

À quelques exceptions près. Ainsi, Odile, une nouvelle d'une seule page où la femme en question relate sa mort, est inspirée d'une chute bien réelle d'Andrée Ferretti dans un escalier.

«J'ai presque vécu cette expérience en déboulant l'escalier de ma cave pour atterrir sur le plancher de ciment, dit-elle. En déboulant, je me disais: «Ah, c'est comme ça que ça finit!» Je n'étais ni atterrée, ni apeurée, ni triste, ni gaie. Je constatais tout simplement les faits. Mais Odile, son dernier acte, dans la vie, c'est de rire. Comme elle, je pense qu'il y a chez moi un refus de la résignation qui caractérise ma personnalité et les combats que j'ai menés, tandis que, d'un autre côté, j'aime la vie.»

Une autre nouvelle, Hélène, est un hommage à feu l'écrivaine engagée Hélène Pedneault, qui fut une amie d'Andrée Feretti.

«Je ne me console pas de sa mort, dit l'écrivaine. Je m'en ennuie presque chaque jour. Elle était tellement vivante, énergique, désireuse de changer le monde. Elle passait comme un ouragan partout où elle allait.»

Des personnalités comme Hélène Pedneault se font de plus en plus rares à notre époque, croit l'auteure.

«Je crois à un endormissement général de notre société à cause de l'individualisme. On pense qu'on communique avec tous nos téléphones, mais on est plus isolés que jamais», dit-elle.

Mais ce n'est pas cette morosité ambiante qui empêchera l'octogénaire de continuer à écrire et à donner des conférences. Elle travaille déjà à son prochain livre, un essai sur l'indépendance du Québec.

«C'est un essai très personnel qui s'adresse aux jeunes d'aujourd'hui, et qui dit pourquoi, moi, je milite pour l'indépendance depuis plus de 50 ans.»

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Pures et dures. Andrée Ferretti. Les Éditions XYZ, 136 pages.