Le sixième roman d'Anne Guilbault, Les métamorphoses, tresse ensemble les fils de quatre destins. Quatre «sans-abri» qui vivent la perte, le vide, mais qui vont se transformer et se relever.

Sept jours avant la fin du monde. Avant la fin de leur monde à eux: Adrien, Anna et sa fille Sophie. Leur immeuble va être démoli, ils doivent déménager, changer. Il s'agit de l'une des belles et nombreuses métaphores qui parcourent Les métamorphoses.

L'immeuble est la plus récente perte parmi les pertes de ces «sans-abri» du coeur. Le récit donne à lire le journal intime de Sophie, orpheline de père. Divorcé, Adrien a donc perdu sa femme, mais aussi son fils adoptif, Paz, passager clandestin et orphelin, dont les confessions représentent l'autre voix du roman. Mais ces âmes à la dérive se relèveront.

«On vit tous des métamorphoses, croit Anne Guilbault. Chaque personne fait face à des changements importants durant sa vie. Parfois c'est l'horreur, mais on continue. Cette thématique m'obsède. Ce qui m'intéresse dans le fait d'écrire, c'est de rendre supportable la condition humaine.»

Vaste projet. La romancière de Québec ne fait, toutefois, pas dans l'épique. Elle est cette orfèvre qui cisèle longuement, en finesse, qui se sert de sons et de couleurs, et de mots aussi, pas trop, mais toujours justes.

«Je commence toujours avec une image. Sans ça, je ne peux pas voir où je m'en vais. Au début, il y avait le personnage d'Adrien. J'entendais des bruits de démolition dans ma tête. Je voyais Adrien dans un monde gris. Très rapidement, les voix de Paz et de Sophie se sont additionnées. J'aime beaucoup travailler le rythme et la forme, les deux devant correspondre. À chaque roman, j'ai l'impression de vivre une aventure.»

Celle-ci se déroule dans une grande ville qui n'est jamais nommée, pas plus que l'époque d'ailleurs. Ce pourrait être maintenant comme il y a 10 ans.

«Ça me restreint si je nomme la ville et l'époque, dit-elle. Ça me ramène trop à la réalité. J'ai plus de liberté ainsi. Le lecteur peut aussi imaginer le lieu et le temps qu'il veut.»

Aller à l'essentiel

En écrivant Les métamorphoses, l'auteure se disait obsédée par ses personnages, tellement qu'elle avait l'impression qu'ils ont existé... pendant cinq ans!

Sa démarche est particulière, faut-il ajouter. Ses romans sont courts, mais d'une écriture très dense. Avant d'en arriver à 100 pages, elle en écrit parfois jusqu'à 200.

«Mon grand plaisir, après le premier jet, c'est de couper jusqu'à ce que je sois satisfaite. Parfois, je perds des choses intéressantes. C'est comme un cinéaste qui doit sacrifier certaines scènes qui ne fonctionnent pas. J'aime aller à l'essentiel.»

Anne Guilbault dit avoir trouvé sa voix avec ses deux derniers romans. Le précédent, Joies, racontait les péripéties d'un jeune homme probablement déficient qui a perdu sa seule raison de vivre, sa soeur.

«C'est tellement sombre, avoue-t-elle, que de trouver le titre m'a permis de terminer le livre. Avec Joies, j'ai trouvé à exprimer ce que je voulais. Je ne voudrais pas que ça paraisse prétentieux, mais j'ai l'impression que je suis maintenant en possession de mes moyens.»

Il faut lire beaucoup pour apprendre à écrire. Ses lectures la dirigent en ce moment vers Sylvia Plath, Fernando Pessoa, Victor Hugo et des BD. Autrement dit: «Le hasard envoie des rencontres.» Elle ajoute que ses lectures la mettent dans un état d'écrire. «Ce sont des déclencheurs», dit-elle.

Anne Guilbault vit d'ailleurs une période très créative. La poésie l'interpelle de plus en plus.

«Je n'ai jamais osé, avoue-t-elle, mais ce que j'écris en ce moment pourrait devenir un recueil. Comme je travaille de façon intuitive, je ne sais pas encore.»

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Les métamorphoses

Anne Guilbault

XYZ

103 pages