Et si les morts pouvaient nous téléphoner? Si le paradis était au bout du fil? C'est le point de départ du plus récent roman de l'auteur américain Mitch Albom. Entrevue avec un écrivain à succès qui croit aux miracles. Divins et humains.

Mitch Albom, c'est en quelque sorte le Pierre Foglia de Detroit: dans les pages du grand quotidien Detroit Free Press, Albom a d'abord été chroniqueur sportif («Super plume», dit un de nos collègues des Sports. «Jacques Demers, quand il était l'entraîneur des Red Wings, en parlait toujours en bien», ajoute un autre), puis chroniqueur tout court, lu, commenté, porté aux nues, voué aux gémonies, conspué, admiré, couronné par des prix (plus de 200!), dénoncé...

Là s'arrête le parallèle, car Albom, lui, tourne le dos au cynisme. Devenu écrivain à part entière il y a une quinzaine d'années, il signe des romans qui reposent sur la confiance, l'espérance, la bonté, à des années-lumière de toute misanthropie.

Des exemples? Publié en 1997, son récit intitulé Tuesdays with Morrie (La dernière leçon) relate les rencontres hebdomadaires d'Albom avec son ami Morrie Schwartz, qui était mourant. À l'origine, Albom écrit l'ouvrage afin de payer les soins médicaux de Schwartz... Il figure désormais parmi les «mémoires» les plus vendus de tous les temps: 14 millions d'exemplaires, traduction en 41 langues!

Quant au premier roman de Mitch Albom, Les cinq personnes que j'ai rencontrées là-haut (2003), il raconte la vie d'un homme de 83 ans en route pour le paradis: il se vend à 10 millions d'exemplaires, traduit en 35 langues. Depuis, ses livres sont abonnés au palmarès des ventes du monde entier. Tous ont un point en commun: le besoin de parler de la mort, de la vie après la mort - et, ce faisant, de la vie avant la mort!

«J'ai perdu subitement un oncle qui était un second père pour moi. Il n'avait que 42 ans. Depuis, constate l'écrivain de 55 ans, je suis habité par un sentiment d'urgence de vivre. Et par la conviction que les gestes que l'on fait de notre vivant ont des conséquences qui vont au-delà de notre passage sur Terre.»

Fantômes au bout du fil

Son plus récent roman, Premier appel du paradis, se déroule dans une petite ville perdue du Michigan, où certains habitants reçoivent des appels de proches morts. Miracle? Arnaque? Une fièvre tant religieuse que médiatique s'empare de la ville. À cette histoire aux allures contemporaines se greffe celle de l'invention du téléphone par Graham Bell.

«Je ne pensais pas raconter ces deux histoires en parallèle, au départ, explique Albom. Mais en faisant des recherches sur l'invention du téléphone pour écrire un ou deux paragraphes dans le roman, j'ai réalisé que c'était une histoire magnifique: celle d'un homme, Bell, qui, par amour pour sa femme, qui est sourde, veut inventer un appareil afin qu'elle puisse lui parler plus clairement. Par accident, cette invention qui devait permettre à une personne en chair et en os de mieux s'exprimer est devenue une invention qui nous permet de nous parler à distance! J'ai donc décidé d'utiliser le caractère accidentel de cette invention, mais aussi l'immense scepticisme avec lequel elle été accueillie. En fait, à l'époque, l'idée de parler à quelqu'un de l'autre côté de l'océan en portant un petit appareil à son oreille était beaucoup plus invraisemblable que celle de parler à un fantôme!»

Justement, dans Premier appel du paradis, les fantômes appellent.

«Thriller positif»

Premier appel... a un petit côté «thriller» que n'ont aucun des précédents livres d'Albom. Il compte même quelques personnages cyniques - tous journalistes! «Comme je suis journaliste depuis plus de 30 ans, je pense que je me qualifie tout à fait pour m'interroger sur les motivations les plus discutables de mon métier, explique Albom. Et ce cynisme des médias est sans doute la partie la plus réaliste de mon roman...»

«Je n'écris pas un livre chaque année, reprend-il, et pendant que le temps passe, le monde change, il faut s'y adapter. Impossible, donc, de raconter une histoire qui se passe maintenant sans traiter du cynisme ambiant. En plus, ce cynisme des médias servait bien l'histoire: il fait le contrepoint avec la «foi» de ceux qui ont reçu ces fameux appels de leurs morts. Il n'y a rien de sexy ou de grossier dans mes livres: je sais qu'ils sont offerts à des enfants, des adolescents, ils sont étudiés à l'école. Mais je crois qu'aujourd'hui, je peux me permettre d'être un peu plus raide.»

Est-ce en raison de ce côté «thriller positif» que Warner vient d'acquérir les droits cinématographiques de Premier appel? (Tous les autres livres d'Albom ont plutôt donné lieu à des téléfilms.) «Peut-être... En tout cas, j'aime bien l'idée que le roman devienne un long métrage. Aujourd'hui, c'est souvent grâce aux films que les gens découvrent les livres.»

Le sport, le hockey

Grâce à sa fructueuse carrière d'écrivain, Albom aurait pu abandonner le journalisme. Sauf que...: «Je suis fier de vivre où je vis, à Detroit. Et à Detroit, le sport est fondamental. Écrire mes chroniques, c'est donc ma façon de demeurer connecté à ma communauté, c'est mon identité et presque un devoir civique pour moi.»

Des prédictions pour la Coupe Stanley? «Nous sommes près du Canada, ici. Donc, pour ma part, je pense qu'il ne peut y avoir de Coupe Stanley sans une équipe canadienne. Deux équipes américaines en finale, c'est dépouiller le hockey de son coeur et de son âme!» Mitch Albom est lui aussi de «foi trempé»...

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Premier appel du paradis. Mitch Albom. Édito, 396 pages.