En 1982, Chrystine Brouillet a remporté le prix Robert-Cliche avec son premier roman, Chère voisine, dans lequel une jeune femme assassinait froidement des gens dont elle n'appréciait pas le comportement. La charmante tueuse sévit de nouveau cet hiver dans Louise est de retour, s'en prenant cette fois à tous ceux qui menacent son confort.

C'est le réalisateur Jacob Tierny qui a fait comprendre à Chrystine Brouillet à quel point Chère voisine était un livre rigolo, lorsqu'il en préparait l'adaptation pour le cinéma il y a quelques années. «Il m'a dit que lorsqu'il l'avait lu à 15 ans, il avait trouvé ça très drôle. Je lui ai dit: «Ah oui?» «Ben oui, la fille qui assassine sa voisine parce qu'elle a empoisonné ses chats, c'est drôle!» Et je lui ai répondu: «Mais elle a bien raison!» »

C'est d'ailleurs ainsi qu'est née Louise il y a 32 ans: la jeune auteure qu'était Chrystine Brouillet s'est demandé quel serait pour elle un motif suffisant de meurtre. «J'avais des chats et je me suis dit qui si quelqu'un leur faisait du mal, je ne répondrais pas de moi...»

Après sa discussion avec Jacob Tierny, Chrystine Brouillet s'est quand même demandé ce que le réalisateur montréalais avait vu dans son histoire qu'elle-même ne percevait pas. C'est en la relisant qu'elle en a compris tout le deuxième degré... et tout le potentiel. «C'est vraiment Jacob qui m'a donné l'idée de la ramener. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi je n'y avais pas pensé avant.»

Dans cette suite, Louise prend tous les moyens pour ne pas être évincée de son appartement où elle se sent si bien. Et Chrystine Brouillet s'est vraiment «lâchée lousse» dans l'humour noir et la comédie. Alors que l'univers de Maud Graham est plus sombre et collé à réalité - «Être aux crimes contre la personne, ça ne peut pas être drôle» -, celui de Louise, qui travaille dans un grand resto, est pas mal plus léger.

«Je me suis fait plaisir: il y a tout ce que j'aime, de la bonne bouffe, des grands vins, des chats. Oui, il y a des meurtres, mais personne ne va pleurer en lisant ce livre! Ceux qui meurent, on s'en fout un peu... même qu'ils l'ont un peu mérité.»

Louise étant le personnage qui lui ressemble le plus, Chrystine Brouillet estime qu'elle n'avait pas le choix de la rendre sympathique. «Il ne faut pas que le monde me haïsse!» Ce qu'elle partage avec elle? Une certaine impatience, une intolérance envers ce qui la fâche et la dérange.

Le bruit la rend particulièrement agressive, et même en entrevue, elle s'emporte un peu, dénonçant la musique dans les restos - «C'est bien simple, je n'y vais plus» - et les gens qui parlent dans leur «maudit cellulaire» partout, n'importe où, ou qui laissent sonner trop longtemps... Elle s'arrête. «J'ai plein de choses irritantes comme ça, ça monte vite! Mais bon, je me retiens car je l'ai déjà dit, s'il y a un meurtre dans mon entourage, c'est sûr que je vais être soupçonnée...»

Le bien et le mal

L'auteure l'admet, Louise et Maud Graham sont comme les deux faces d'une même médaille. «Elles ont la même énergie, la même détermination. Mais Maud est au service du bien, alors que Louise est à son propre service. Elle est plus délinquante... pour ne pas dire psychopathe!»

Vraiment? Elle en a les caractéristiques en tout cas, comme l'absence d'empathie et d'émotion. «Elle recherche avant tout la satisfaction de son plaisir, mais elle cible ses victimes. Elle ne tue pas par plaisir, juste pour faire un peu de ménage autour d'elle...»

Pour Chrystine Brouillet comme pour le lecteur, le jeu est de voir comment Louise, après ses meurtres, se débrouillera pour ne pas se faire prendre et pour éliminer les témoins gênants. La mécanique est donc inversée par rapport aux histoires de Maud Graham, mais l'auteure a travaillé comme d'habitude avec un plan précis, avançant et reculant ses pions.

«Par contre, je dirais que le rythme est plus rapide - pas primesautier, ce serait exagéré, mais même en écrivant, c'était différent. Écrire, pour moi, c'est du travail, mais là, j'ai eu de vrais moments de plaisir. Principalement dans les meurtres... J'étais contente pour Louise! Je dois être un peu tordue...»

Grande passionnée des félins, elle compare son personnage à un chat, insaisissable, égoïste et usant de son charme à profusion. «Louise va toujours retomber sur ses pattes. Même si elle rase souvent le précipice, elle tire son épingle du jeu. Elle est entêtée et suit sa ligne, comme un siamois.»

C'est clair, Louise n'en est pas à ses derniers meurtres. «Je n'attendrai pas 30 autres années! s'exclame l'auteure. Mais que personne ne s'inquiète: Maud Graham reviendra. Par contre, je vais continuer de m'amuser avec Louise. On peut avoir plusieurs amies en même temps, non?»

Louise est de retour

Chrystine Brouillet

Éditions de l'Homme

224 pages