Tout a commencé par un pari: Kami Garcia et Margaret Stohl n'arriveraient pas, selon leurs proches, à écrire un roman fantastique dans-la-lignée-des-Twilight-mais-différent. Huit semaines plus tard, elles avaient accouché de 16 lunes - dont l'adaptation cinématographique, Sublimes créatures (Beautiful Creatures en version originale), prend l'affiche le 14 février. Discussion avec deux romancières aux anges.

Il était une fois deux femmes très au courant de ce qui se publiait en matière de romans fantastiques destinés aux jeunes adultes. L'une était enseignante auprès d'adolescents; l'autre, mère de trois avides lectrices de Twilight et autres Journal d'un vampire. Elles les ont lus, elles aussi - le genre était dans leurs goûts et dans leurs cordes - et elles ont aimé. Mais...

«Il y avait des choses à propos desquelles les élèves de Kami, dont mes filles, se plaignaient, explique Margaret Stohl en entrevue téléphonique. Elles cherchaient une série qui serait racontée du point de vue du garçon, dans laquelle l'héroïne serait forte et aurait des pouvoirs, qui se déroulerait dans un endroit très précis. Et, surtout, elles ne voulaient plus de vampires!» «Elles trouvaient que toutes les séries parues après Twilight se ressemblaient trop. Il n'y avait pas de Hunger Games ni de Katniss à ce moment-là», ajoute Kami Garcia. Ses élèves «n'ont pas besoin d'un garçon pour les sauver». «Le girl power qu'on trouve dans notre saga est donc très intentionnel. Cela répond aux plaintes et aux demandes de celles pour qui nous l'avons écrite.»

Au départ, c'était en effet cela: deux femmes qui écrivaient pour sept jeunes très proches d'elles.

L'aînée de Margaret Stohl, quand elle a eu vent du projet, a éclaté de rire: sa mère commençait un tas de trucs, mais ne les terminait jamais; il en irait de même pour ce soi-disant roman. «Du coup, j'ai pris le téléphone, appelé Kami et... c'était parti!»

À un détail près: Margaret Stohl avait autrefois travaillé à des jeux vidéo et Kami Garcia est une fan de comic books. Elles étaient donc familières avec ces univers où le surnaturel intervient dans le quotidien, mais elles ne savaient pas écrire un livre. Elles l'ont donc fait à leur manière: une des deux écrivait un chapitre, l'envoyait à l'autre, qui le révisait, le modifiait, poursuivait le récit. «La seule règle entre nous était de ne pas demander la permission à l'autre pour modifier et de toujours aller de l'avant», raconte Kami Garcia. Et ainsi de suite pendant 12 semaines, au cours desquelles leurs lectrices à domicile critiquaient et suggéraient des modifications.

19 lunes

Le résultat, 16 lunes, est le premier volet des «chroniques des enchanteurs», dont le quatrième et dernier tome, 19 lunes, vient de paraître en français dans la collection Black Moon de Hachette. Le narrateur est Ethan, orphelin de mère vivant à Gatlin, bourgade de la Caroline-du-Sud où les souvenirs de la guerre de Sécession sont toujours très présents. Routine et ennui, jusqu'à l'arrivée de Lena, nièce de l'énigmatique Macon Ravenwood, qui vit reclus dans un manoir. Atmosphère gothique. Lena est une Enchanteresse: le jour de ses 16 ans, elle découvrira si ses pouvoirs sont de lumière ou de ténèbres. Entrée du surnaturel.

«Nos Enchanteurs sont un mélange des mutants de X-Men et de sorciers, et ils ont chacun leurs propres pouvoirs. Nous voulions des créatures originales, pour ne pas être entravées par une mythologie préexistante», souligne Kami Garcia.

La liberté a en fait été leur mot d'ordre pendant tout le processus. Elles écrivaient une histoire pour les jeunes de leur entourage, point. Elles ne pensaient pas à la publier. Mais les jeunes en question ont fait circuler cette histoire, leurs amis l'ont lue et l'ont aimée. Au point où les deux auteures ont décidé de mettre leur manuscrit à la disposition de tous, gratuitement, sur l'internet. Une connaissance a alors mis un frein à cette idée généreuse, mais folle. Lui-même écrivain, il a envoyé 16 lunes à son agent. Peu après, les deux auteures étaient publiées.

C'était en 2009. Kami Garcia et Margaret Stohl ont depuis écrit trois autres romans pour mener leurs personnages au bout du destin qu'elles avaient en tête dès le départ. Elles se sont ensuite attelées chacune à leur propre série: Legion pour la première, Icons pour la seconde.

Et ces jours-ci, elles font la promotion d'un rêve qu'elles n'avaient même jamais envisagé: Sublimes créatures, adaptation cinématographique de 16 lunes par Richard LaGravenese.

«Nous vivons à Los Angeles, tout le monde ici pense au cinéma, les droits de beaucoup de romans sont vendus, mais rien ne se concrétise», fait remarquer Margaret Stohl.

Il aura fallu un passage sur le plateau de tournage du film, à La Nouvelle-Orléans, pour qu'elles se rendent compte qu'elles ne fabulaient pas. Que l'histoire écrite en toute naïveté et bonne volonté pour répondre aux désirs de sept jeunes était vraiment en route pour le grand écran.

C'est ce qu'on appelle gagner un pari de glorieuse manière.