La traduction française de Ready Player One, premier roman et best-seller de l'Américain Ernest Cline, arrive en librairie pour nous faire découvrir le geek qui se cache en chacun de nous. Ce roman de science-fiction, truffé de références à la culture des années 80, est destiné à ceux qui ont avalé autant de jeux vidéo que Pac-Man a bouffé de pac-gommes...

On imagine le geek comme un être toujours à l'affût des dernières innovations technologiques, mais ce serait oublier qu'il est aussi un indécrottable nostalgique, incroyablement attaché à ses premières amours, aussi désuètes soient-elles. De toute évidence, Ernest Cline, né en 1972, fait partie de cette race. Il possède une imposante collection de vieux jeux vidéo, s'est acheté une voiture DeLorean 1982 transformée en machine à voyager dans le temps - comme dans le film Retour vers le futur -, ainsi que le «proton pack», outil indispensable des chasseurs de fantômes dans le film Ghostbusters, entre autres artefacts de «fan boy».

Pourquoi jouer à Pac-Man, Donkey Kong ou Frogger quand il existe aujourd'hui des jeux comme Call of Duty ou Assassin's Creed, tellement plus avancés? «Vous savez, quand vous retournez voir la maison où vous avez grandi, elle n'est pas la même, elle a changé, et vous aussi, vous avez changé, dit Ernest Cline, joint à Los Angeles. Mais quand vous jouez à un ancien jeu vidéo, rien n'a changé, ils sont exactement les mêmes, c'est ça qui est puissant. Je fais partie de la génération qui a connu les premiers jeux vidéo à la maison, et je crois que les jeux vidéo ont une place unique dans notre mémoire.»

C'est sûrement un bon truc que de jouer sur la corde nostalgique dans un roman qui se passe en 2044, sur une planète Terre dévastée, où tout le monde est branché en permanence à l'univers virtuel de l'Oasis, créé par James Halliday, sorte de gourou à la Steve Jobs. Un bon truc, parce que les jeunes lecteurs ne peuvent qu'aimer un univers techno aussi familier, et que les lecteurs plus âgés peuvent en connaître les références. Car dans ce roman, la «vraie» vie se déroule dans ce monde virtuel, tandis que les utilisateurs vivent pour la plupart dans des bidonvilles sordides.

Et ils ont tous le même rêve: hériter de l'immense fortune de Halliday, mort il y a quelques années, en remportant la chasse au trésor qu'il a insérée dans l'Oasis. Pour réussir cet exploit, il faut connaître jusqu'à l'absurde toutes les lubies de Halliday, maniaque des années 80, qui a soigneusement caché des clés dans des jeux cultes. Chaque «chassoeuf» lit sa «bible» avec dévotion, afin de devenir le vainqueur. Wade Watts, le héros de ce roman, est juste assez paumé et obsédé pour y parvenir. En découvrant la première clé, il grimpe au premier rang du tableau de l'Oasis, et devient ainsi une vedette planétaire, pourchassée par les Sixers, des agents à la solde d'une entreprise sans scrupules, prête à tricher, voire à tuer, pour mettre la main sur l'ultime butin. Ernest Cline, joueur jusqu'au bout, a lui-même caché un «oeuf de Pâques» dans son roman et a offert une autre DeLorean au lecteur qui l'a découvert...

Un fantasme geek

Il y a quelque chose de très triste dans l'idée d'une humanité qui ne vit plus du tout dans le réel, sans aucun contact les uns avec les autres, à l'exception des contacts sous avatars dans l'Oasis. «C'est un fantasme geek que de passer tout son temps à l'intérieur d'un jeu vidéo ou d'un monde virtuel, mais je voulais aussi montrer le côté sombre de cette attitude. J'ai beaucoup d'amis sur Facebook et je sais tout ce qu'ils font, même si je ne les vois pas. On dirait que je les vois tout le temps, juste parce qu'ils sont sur l'internet. C'est comme ça maintenant, alors imaginez ce que ce sera dans 30 ans!»

Dans sa quête, Wade Watts se fera des amis (virtuels), notamment Art3 mis, une joueuse dont il finira par tomber amoureux. Elle seule lui donnera envie de sortir de ce monde parallèle pour enfin rencontrer l'amour. Est-ce à dire qu'en chaque geek se cache un gars qui rêve de se trouver une blonde, comme le veut le cliché? Ernest Cline ne peut s'empêcher de rire avant de répondre. «Je pense que beaucoup de geeks, les filles aussi, ont souvent de la difficulté à communiquer avec les gens autour d'eux et ils utilisent les ordinateurs comme un bouclier pour y parvenir. Je voulais que mon personnage soit aux prises avec ça, cette difficulté à s'exprimer de façon romantique.»

Le plus étonnant dans l'entreprise d'Ernest Cline est d'avoir choisi la forme classique du roman pour raconter une histoire construite comme un immense jeu vidéo, chaque chapitre ressemblant à des niveaux, de plus en plus difficiles - ce qui fait du livre un page-turner, comme on dit en bon français.

«C'était un défi de décrire un monde virtuel, mais en même temps, on peut y faire ce qu'on veut. Vous pouvez avoir de la magie, des fusillades, des vaisseaux spatiaux, des dragons... Quand vous écrivez un livre, il n'y a pas d'obstacles entre vous et les lecteurs, pas de limites d'argent ou d'effets spéciaux comme pour un film. Dans un roman, tout se déroule dans l'imagination du lecteur, les effets spéciaux sont toujours incroyables et le jeu d'acteur parfait. J'ai toujours aimé les livres pour cette raison.»

N'empêche, la Warner Brothers a acheté les droits d'adaptation de Player One, et c'est pourquoi ce Texan d'origine est maintenant à Hollywood. Son prochain roman, Armada, aussi un roman de science-fiction, est déjà dans la mire d'Universal Pictures.

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Player One. Ernest Cline. Michel Lafon, 400 pages.