Olivier Adam n'aura pas le Goncourt cette année, même si la rumeur l'avait déclaré favori. Mais ça n'a guère d'importance, puisque c'est lui qu'on aime. Un sondage de Livres Hebdo l'a placé bon premier parmi les écrivains de la rentrée en ce qui a trait à la popularité.

Les lisières, son 10e roman paru à la fin du mois d'août, avait atteint les 150 000 exemplaires vendus quand nous l'avons rencontré dans le bureau du DG de Flammarion, à Paris. Endroit de prestige - il en fait la remarque pour illustrer le sentiment de gêne qu'il y a à transporter son milieu d'origine dans le monde chic. Une origine modeste qui colle aux classes moyennes dont parle si bien Olivier Adam, puisqu'il en est issu.

Comme Paul Steiner, le protagoniste, qu'on peut regarder comme son double, un peu à la manière de Jean-Paul Dubois ou de Patrick Modiano, explique-t-il. D'ailleurs, auteur et personnage sont tous les deux romanciers et écrivent à l'occasion des scénarios de film, comme celui de Je vais bien, ne t'en fais pas, premier roman d'Olivier Adam porté à l'écran. Ils ont aussi grandi en banlieue parisienne, dans une de ces villes-dortoirs accessibles par le réseau express régional (RER). Train, boulot, dodo. Les week-ends, on se repose, on fait les courses.

Le vrai et le faux

Les années passent, la quarantaine approche. Olivier, alias Paul, habite désormais à Saint-Malo. Deux enfants sont nés, Titouan, 4 ans (petit Antoine en occitan), et Juliette, 10 ans, rebaptisés Clément et Manon dans le roman. Contrairement à son alter ego - qui annonce dès les premières pages: «Sarah m'avait foutu à la porte de ma propre vie» -, l'auteur partage toujours le quotidien avec Karine Reysset, également écrivaine.

Il ne faut donc pas croire certains reportages qui ont annoncé la séparation du couple. Par personnage interposé, Olivier Adam se moque d'ailleurs de portraits ou d'interviews qu'il a lus. «Moi-même, quand il m'arrivait de les lire, je ne me reconnaissais pas.» (Espérons que ça ne sera pas le cas ici.) Reste que les mensonges sont parfois plus révélateurs que les faits eux-mêmes, observe l'auteur.

Lorsqu'il écrit, la censure n'existe pas. «La liberté est totale», dit-il. «Je n'ai d'égard pour personne, c'est un soi délivré des convenances.» Ce qui nous amène à lui demander comment réagissent ses proches, en particulier ses parents, en le lisant. «Mal», répond-il. «Si ma mère reconnaît ses photos sur le buffet... C'est la violence de se découvrir tout nu.»

Bref, les conséquences sont là. D'autant plus que Paul Steiner a une vie qui ressemble à celle de son créateur. L'absence de souvenirs avant l'âge de 10 ans, la tentative de suicide, c'est authentique. La perte de poids aussi. L'homme devant moi, beau, grand, le regard clair, est svelte. Il a perdu 36 kilos. «Je me déglinguais de partout.» En cela encore, il est comme le narrateur, qui avait aussi connu un épisode d'anorexie à l'adolescence. «L'impact de la faim, le sentiment d'être très aigu en écriture» - Olivier Adam parle d'expérience.

Retour en banlieue

Les lisières n'en demeure pas moins un roman, qui suscite beaucoup d'intérêt. Paul Steiner répond à l'appel de son frère, qui lui demande d'aller prendre soin de ses parents. Sa mère s'est cassé le fémur. On comprend vite que sa mémoire flanche. Le père est impuissant devant la situation. Ce retour dans la banlieue de son enfance est une fois de plus l'occasion pour Paul de réaliser qu'il ne s'y sent pas chez lui. Il revoit ses amis d'alors, Sophie en particulier, qui s'est enlisée dans le conformisme, ce qui fait dire à Olivier Adam que «le social s'insinue jusque dans nos histoires d'amour».

Son personnage reste toujours en marge, que ce soit à Paris, où il a habité avec Sarah, ou à Saint-Malo. C'est la raison du titre Les lisières. L'écart est particulièrement marqué entre les deux frères. «Il n'était pas rare que François use du vous à mon endroit m'incluant dans une communauté qu'il méprisait de tout son être [...] la communauté honnie des gens de gauche»...

Nous ne sommes pas ici tout à fait dans la fiction. Olivier Adam a deux frères, l'un avec qui les liens sont coupés depuis 15 ans, l'autre, Julien, qui est musicien. Ensemble, ils ont participé l'automne dernier à l'événement Québec en toutes lettres et en gardent un très bon souvenir.

La politique occupe une place substantielle dans le livre. Martine Le Pen, du Front national, s'appelle La Blonde. Nicolas Sarkozy, président quand le roman a été écrit, se distingue notamment par «l'impunité avec laquelle il menait les affaires du pays au seul bénéfice des puissants».

À la même époque, le Japon était frappé par un tsunami dévastateur. Olivier Adam y revient souvent dans le livre. C'est un lieu qu'il connaît bien et qu'il aime. Dès que la tournée médiatique sera terminée, il s'envolera d'ailleurs avec femme et enfants pour Kyoto.

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Olivier Adam sera au Salon du livre de Montréal du 15 au 19 novembre prochain.

Les lisières. Olivier Adam. Flammarion, 464 pages.