Avec son nouveau livre, Francine Noël fait le récit tout en finesse d'une relation exceptionnelle entre une grand-mère au regard tendre et lucide et son petit-fils, «petit sagouin» à qui elle raconte sa place dans le monde.

Dans La femme de ma vie, Francine Noël parlait de son enfance et de sa mère. Quelques années plus tard, Le jardin de ton enfance fait le pont avec ses petits-enfants, comme si elle tissait des liens invisibles entre les générations.

«Le lieu d'où on vient, l'appartenance, c'est essentiel. Je ne parle pas nécessairement du lieu matériel ou géographique, mais des liens affectifs. C'est vrai que l'école est importante, mais la famille est déterminante, parce que c'est notre première culture.»

Francine Noël se dit cependant plutôt «cowboy solitaire». Étrange venant de quelqu'un qui a créé un des clans les plus populaires de notre littérature avec Maryse et Myriam première, deux immenses succès des années 80, dont elle a continué les histoires dans La conjuration des bâtards en 1999 et, d'une certaine manière, dans J'ai l'angoisse légère en 2008.

«Je me suis toujours considérée comme un individu d'abord et j'ai passé ma vie à effacer la famille, à m'en détacher. Mais la descendance est un phénomène singulier, c'est ce dont nous sommes faits.»

L'idée de transmission a donc fini par l'intéresser. La naissance de son petit-fils Émile, en 2004, l'a menée vers ce livre dans lequel elle raconte leurs petits moments partagés, mais aussi les histoires légèrement réarrangées de La belle au bois dormant ou de Lancelot du lac. Elle lui parle d'aïeuls disparus, de pièces de théâtre qu'elle a vues, de politique... «Émile devient en fait l'Enfant. Son prénom est d'ailleurs une référence à Rousseau, avec toute l'idée de l'éducation qu'on trouve derrière.»

Le jardin de ton enfance se déroule sur sept ans, de l'arrivée de ce premier garçon du fils unique de Francine Noël (une petite soeur, Élise, viendra peu de temps après), jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de raison, à 7 ans. Quand elle a décidé de faire un livre de cette entrée dans le monde, l'auteure a fouillé un peu dans son journal intime, puis a fait des recherches pour arrimer le personnel à l'actualité, parlant de la grève des profs de l'UQAM ou du séisme en Haïti, en passant par la guerre en Afghanistan, l'ouragan Katrina et les élections municipales.

«Quand on fait la petite histoire de quelqu'un, on la met souvent en lien avec la grande. J'aimais bien cette idée de m'adresser à un jeune enfant en ce début de siècle», explique Francine Noël. Elle voulait au départ écrire des lettres à son fils, mais a trouvé que cela mettrait «un poids énorme sur lui» et a donc décidé de se «venger sur un innocent», ajoute-t-elle en souriant.

Un sourire qui en dit long, car au-delà du projet de transmission, Le jardin de ton enfance est aussi et surtout le formidable récit d'une affection réciproque et profonde. «Je ne voulais pas tomber dans le mièvre», souligne toutefois l'auteure, dont la plume précise évite le lyrisme souvent lié à l'enfance. «Il ne sert à rien de leur cacher des choses.»

On en apprend aussi autant sur le petit Émile que sur sa grand-mère, ses amours, ses maisons, son char... Une «grand-Nana» proche et présente, qui met son petit-fils à égalité et lui parle comme à un grand. «J'aime avoir cet enfant comme interlocuteur.» Elle a d'ailleurs la nette impression d'avoir le même rapport avec Émile qu'elle a eu avec son fils. «Je fais les mêmes niaiseries, je suis toujours aussi peu ferme...»

Francine Noël a moins envie d'écrire de la fiction. «J'ai le goût d'être plus directe avec mes sujets.» Son prochain projet est une espèce d'autobiographie en deux volumes dans laquelle elle abordera différents thèmes - l'amour, la religion, les maisons, les arbres - en les raccrochant à des choses de sa vie.

Une sorte de bilan? «Pas sur tous les sujets en tout cas», dit Francine Noël, qui apprécie la soixantaine, se considère comme une «jeune vieille» et estime que la vieillesse est loin d'être la catastrophe annoncée. «Il y a des choses comme l'affectif, l'amour, ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini!»

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Le jardin de ton enfance. Francine Noël. Leméac, 139 pages.

Extrait Le jardin de ton enfance

«Je t'ai confié que mes cheveux ne sont pas naturellement bruns, mais blancs, et que je les teins.

- Alors, ça veut dire que tu vas mourir bientôt? as-tu demandé.

- Oui, je vais mourir. Quand tu seras grand.

Ma réponse t'a rassuré.»