Oliver Gallmeister a conquis la France en passant par l'Ouest américain. En fondant sa maison d'édition, Gallmeister, en 2005, il s'est fait une mission de sortir de l'ombre une littérature américaine méconnue chez ses pairs. Ce que les Français ont coutume d'appeler le «Nature Writing» connaît, certes, un vent de succès ces dernières années, mais tout un pan de cette littérature demeurait à ce jour introuvable en traduction française.

Le premier obstacle rencontré par le jeune éditeur fut de briser l'image d'une littérature écologique, politique et ennuyeuse. «J'ai employé le terme "Nature Writing" pour me différencier de la littérature écologique qui, en France, est associée à l'essai politique et non pas à l'art. Les éditions Gallmeister sont pourtant une maison littéraire. Ce ne sont pas des livres où l'on parle d'une fleur pendant 50 pages», explique au téléphone l'éditeur, joint à Paris.

Le catalogue comprend 26 titres et rassemble effectivement d'étonnantes trouvailles. Edward Abbey fait partie des auteurs cultes de la contre-culture américaine que l'éditeur a permis de faire découvrir aux lecteurs francophones avec, entre autres, Le gang de la clef à molette, préfacé par Robert Redford. Ce polar culte des années 1970, où des inconnus se lancent dans l'écosabotage pour défendre le désert de l'ouest, s'avère brûlant d'actualité. «Il y a 30 ans, Edward Abbey passait pour un dangereux révolutionnaire, mais il posait des questions évidentes aujourd'hui». On trouve également le magnifique recueil de textes Texas Marijuana, de Terry Southern, scénariste d'Easy Rider et de Doctor Strangelove, ainsi que des polars de la nature comme Casgo Bay de William G. Tapply.

Amoureux de la nature et grand lecteur de littérature américaine, Oliver Gallmeister a eu le déclic lorsqu'il a découvert des auteurs américains de la nature qui faisaient de la vraie littérature. Dans la foulée des Melville, Thoreau, et même Steinbeck et Hemingway, la littérature américaine regorge de trésors littéraires où il est question de nature et de grands espaces, indique-t-il. «Je crois qu'il y a deux styles de littérature américaine: celle de la côte est, urbaine, cérébrale et psychanalytique, bien connue en Europe, et celle de l'Ouest, qu'on connaît très mal. Là, on est vraiment en Amérique!»

Oliver Gallmeister développe sa maison avec de jeunes auteurs, mais reprend aussi des classiques, «les clefs de voûte d'une collection "Nature Writing"». Construite autour de cette collection, surtout constituée d'essais et de récits littéraires, la maison possède aussi une collection «Noire», consacrée aux romans policiers des grands espaces. «Il y a une manière de traiter ces sujets par des romans plus plaisants et ludiques. Je ne propose pas des polars qui se passent à New York, avec des tueurs en série. Je publie des polars qui vous donnent envie d'aller dans la nature».

À ces deux collections vient de s'ajouter la collection «Americana», dédiée à la contre-culture américaine, où intervient souvent la nature. «C'est parti du constat que la littérature de nature est une littérature contestataire. Plusieurs écrivains remettent en cause notre modèle de développement, notre rapport à l'environnement et interrogent la place de l'homme dans la société et sur la planète». Le premier livre de la collection, Das Kapital, de Viken Berberian, met en scène un terroriste corse amoureux de la nature. L'éditeur élargit ainsi les horizons de sa maison prometteuse, qui redonne à un genre littéraire sous-estimé ses lettres de noblesse.