Citoyen sans frontières. Captivant, volubile, Douglas Kennedy l'est tout autant en paroles que dans ses écrits. Et attachant, car on sent qu'il parle vrai. Pour en juger, suffit d'ouvrir son nouveau roman, Quitter le monde (Belfond). Une brique de presque 500 pages qu'on ne lâche pas avant de connaître la fin.

Son passage au Salon du livre de Québec, cette semaine, fut l'occasion d'un long moment en sa compagnie, et de l'écouter parler du hasard dans nos vies. «Suffit de changer de voie sur l'autoroute.» Tout peut basculer. Ce qui a bien failli lui arriver, lorsqu'un camion a frappé sa Miata, alors qu'il se rendait à l'aéroport de Boston.

 

Douglas Kennedy est américain. Il est né à Manhattan le 1er janvier 1955, mais est parti pour Dublin à l'âge de 22 ans et n'est jamais revenu, si ce n'est lorsqu'il a acheté, il y a deux ans, une maison dans le Maine. Elle est située au bord de la mer à Wiscasset. Mais ce n'est que l'un de ses pied-à-terre. Il possède un appartement à Londres, un autre à Berlin et un studio dans le 6e arrondissement à Paris.

Travail et discipline

Son portable le suit partout. «La seule chose importante, c'est le travail.» Une discipline de fer. Le matin, où qu'il soit, il allume la machine à café. L'espresso l'aide à traverser «la crise de confiance» qui l'assaille, même après neuf romans et trois récits de voyage, lesquels lui valent d'être traduit en 21 langues et édité dans tous les pays anglophones de la planète, sauf un. Les États-Unis.

Briser le monde, dont le premier tirage en France est de 200 000 exemplaires, réparera l'échec, espère-t-il, en lui apportant la reconnaissance de ses compatriotes. Chose certaine, l'histoire est fertile en émotions et rebondissements. Elle commence le 1er janvier 1987, le jour où Jane, la protagoniste, fête ses 13 ans, et prononce cette phrase malheureuse qui la poursuivra durant tout le récit: «Je ne me marierai jamais et je n'aurai jamais d'enfants.»

Elle ne tiendra pas sa promesse. Maman d'une petite Emily, elle en tirera du bonheur, jusqu'à ce qu'un drame épouvantable lui ravisse l'enfant. Douglas Kennedy raconte à la première personne. Il faut être parent soi-même pour montrer l'horreur. Il l'est. Grand voyageur, il se trouvait à Vancouver quand il a écrit ces pages. «En quatre heures. Je les ai vomies.» C'est par choix qu'il les a placées aux deux tiers du bouquin. Il a voulu se donner le temps de préparer le lecteur.

Le poids de l'enfance

Depuis l'enfance - un père absent, une mère qui la rend responsable de son divorce -, Jane paraît douée pour le malheur. Et pour peu qu'on creuse dans la propre vie de l'auteur, on réalise que, pour lui aussi, le départ fut difficile. À huit ans, dans une composition à l'école, il imagine l'aventure d'un garçon qui perd sa mère dans un supermarché. Et qui en est content. «Freud aurait aimé», dit-il, avant d'ajouter: «Grâce à mes parents, je suis romancier.»

De plus, il s'exprime dans un excellent français, appris à Londres auprès d'un Suisse. Par respect pour son public. «C'est grâce à lui que je peux exister.» Ce qui ne l'empêche pas d'en tirer «une pointe de fierté», et d'apprécier son succès, d'autant plus qu'il lui est venu tardivement, et non sans efforts, après des expériences au théâtre et en journalisme. Son premier roman, Cul-de-sac, maintenant réédité sous le titre Piège nuptial, est sorti en 1994.

Quitter le monde

Douglas Kennedy

Belfond, 29,95$