Une semaine avant les élections, et nous voilà encore avec plus de questions que de réponses. Jean? Pauline? Mario? Amir? Aucun d'eux autres?

Les livres politiques, on peut le penser, n'ont pas grand prise sur les indécis du X mais ils peuvent peut-être aiguiser la curiosité ou donner un éclairage nouveau à de vieilles certitudes.

 

De la pile politique - rien d'électrique, ici, juste des livres qui n'en finissent pas de tomber -, j'en tire quatre d'horizons très divers: historique, militant, universitaire. Quatre livres et une revue, l'Inconvénient, «revue littéraire d'essai et de création» qui, dans son numéro (35) de novembre (10$), pose la question essentielle: Qu'est-ce qu'être québécois?

Point de départ: le Québec est une «difficulté intellectuelle», constat du Dr Jacques Ferron (1921-1985), militant du RIN, fondateur du Parti rhinocéros et Prix du Gouverneur général (eh oui!) pour Contes d'un pays incertain en 1962, la même année que McLuhan gagnait du côté anglais pour The Gutenberg Galaxy.

Dans un texte intitulé L'inconvénient d'être québécois, Jacques Godbout revient d'abord sur son cycle romanesque qui, de Galarneau au Concierge du panthéon, a «tenté de suivre la saga identitaire». Pour lui, contrairement au Dr Ferron, «c'est l'histoire du Québec qui est «incertaine», parce que constamment réécrite «à des fins religieuses ou politiques». Le futur académicien n'en admet pas moins que «l'inquiétude est apparue» pendant la Révolution tranquille, une époque où «les chenilles canadiennes-françaises se métamorphosaient en papillons québécois». Depuis, «l'inconvénient» consiste à «revenir sans cesse, comme des obsédés textuels, à la question de l'être québécois, une «problématique» qui est à la fois culturelle et politique».

Vingt pages plus loin, Carl Bergeron, directeur du «journal du conservatisme critique» L'Intelligence conséquente (cbergeron.wordpress.com), a vite fait de cerner le «problème»: la «mise au ban», par les élites, de la «tradition» judéo-chrétienne occidentale amène le Québec à «se proposer comme laboratoire des utopies postmodernes». Avec, comme horizon, le même «universel révolutionnaire» que prônaient les élites de la Révolution tranquille, plus socialistes que nationalistes. Pour M. Bergeron, qui prône l'émergence d'une droite «cultivée» et son éventuelle rencontre avec la droite «populiste» de Mario Dumont, «c'est par la nation que le Québec peut accéder à ce que l'Occident a de meilleur».

Solidaire et lucide

Jean-François Lisée, lui, tient déjà que le Québec, «havre de solidarité», est en avance à bien des égards sur les pays occidentaux, comme il s'en explique dans Pour une gauche efficace (Boréal). Pour le directeur exécutif du Centre d'études et de recherches de l'Université de Montréal (Cérium) et proche de Jacques Parizeau et de Pauline Marois, il s'agit de «mettre le pragmatisme et l'innovation au service du bien commun».

Comment? En intégrant les impératifs des «lucides» quant à la création de la richesse à ceux des «solidaires» qui veulent un partage équitable de la richesse. La gauche «efficace» se distingue aussi de la gauche classique par sa «reconnaissance de la place centrale et de la valeur de l'entrepreneuriat dans l'économie». Par ailleurs, la compétitivité des entreprises québécoises, «socle de notre prospérité collective», passe par l'obligation de maintenir les coûts de production plus bas qu'ailleurs en Occident: «C'est un minimum dans le siècle sino-indien qui s'ouvre.»

Au-delà de la «nécessaire» acceptation du marché, la gauche efficace prône une économie «de proximité», encadrée par des politiques monétaires, commerciales, etc., un des quatre piliers de l'État social avec les services publics, la protection sociale et le droit du travail. Pour M. Lisée, le chemin du bonheur souverain passe par «un État québécois crédible et respecté».

Pour plusieurs, par contre, une gauche vraiment «efficace» doit brasser la soupe de façon plus... vigoureuse. Les nostalgiques des «grandes années» voudront peut-être lire l'essai du sociologue Pierre Beaudet, On a raison de se révolter - Chronique des années 70 (Écosociété, 25$). L'ancien leader du mouvement extrémiste Mobilisation y retrace l'évolution de la gauche québécoise qui, d'abord «micro-pigment dans la grande chimie de la vie», en est venue à soustraire à l'establishment économique et politique «des espaces considérables».

Dans une plus vaste perspective, pour souligner les 50 ans de leur département, les professeurs de science politique de l'Université de Montréal ont rassemblé leurs réflexions dans La politique en questions (PUM, 29,95$). La politique est-elle une science? Faut-il y étudier les femmes? Quelle est la place de la démocratie, de la violence et de l'argent? Et celle-ci, essentielle aussi: mon vote peut-il faire la différence?