Avant de disparaître en octobre dernier, Jean-Yves Soucy nous a laissé un magnifique testament littéraire. Un récit d'une grande simplicité et d'une tout aussi profonde méditation sur l'expérience humaine.

Baie-Trinité, sur la Côte-Nord. Jean-Yves Soucy y passe ses étés avec sa compagne Carole Massé, aussi écrivaine. Voulant surtout apprendre à pêcher le saumon, il en profite pour écrire et reprendre contact avec le fleuve, sa faune, sa flore, lui dont les années sont comptées.

L'auteur se savait condamné quand il a mis le point final à ce livre, l'automne dernier. Pourtant, la mort n'y est que subtilement évoquée. C'est que Jean-Yves Soucy, être débordant de vie, ne craignait pas la fin. Natif de Causapscal, l'écrivain avait une telle soif d'apprendre et d'approfondir ses liens avec tout ce qui respire autour de lui qu'il voyait la mort comme un voyage comme les autres.

Connaissant les sciences de la nature, Jean-Yves Soucy décrit abondamment les animaux et les plantes comme s'il s'agissait de ses proches. Son récit est à la fois instructif et passionné. Et quand il parle de sa progéniture, ses émotions nous atteignent aussi. En fin conteur, l'écrivain sait capter le moment présent et toute l'importance des sentiments.

Il sait raconter et se raconter en toute humilité. Voici un homme qui a vécu et qui excuse, qui comprend et qui pardonne, en commençant par lui-même.

«Plus on apprend, plus on est conscient de ce qui nous échappe. Un peu de savoir engendre souvent de la suffisance, beaucoup de science, de l'humilité», dit-il.

Cette grande sagesse est constante d'un bout à l'autre du livre. Le style est simple, sans fioritures, mais avec de nombreux apartés philosophiques qui n'ont rien d'impertinent.

Jean-Yves Soucy possède cette noblesse de la posture d'un écrivain réfléchissant à tout ce qui se trouve à portée de commisération. Il possède un don, celui de savoir sa place dans le monde comme être humain, de sa relation avec la faune et la flore qu'il rejoindra bientôt.

«On dit souvent d'un mort qu'il a quitté le monde. Mais à moins de passer l'arme à gauche de façon subite, c'est le monde qui nous quitte progressivement, peinture qui s'écaille peu à peu, photo numérique dont les pixels perdent leurs informations au fil des ans. Cette réalité, à laquelle nous n'avons accès qu'à travers nos sens, que chacun construit avec les données qu'ils lui fournissent, s'appauvrit à mesure que la vue, l'ouïe et l'odorat s'émoussent. C'est aussi ça, vivre...», songe-t-il.

Sans remontrance, l'auteur nous donne une vraie, une bonne leçon de vie. Regarder plutôt que voir, écouter plutôt qu'entendre. Entre la mousse de la Côte-Nord et les étoiles du firmament, les sens en éveil plutôt qu'endormis par la modernité, Jean-Yves Soucy aura vécu pleinement cette vie de «nature humaine» qui se fond dans le paysage.

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Les pieds dans la mousse de caribou, la tête dans le cosmos. Jean-Yves Soucy. XYZ, 244 pages.

Jean-Yves Soucy en quelques dates

1945: Naissance à Causapscal

1976: Publication d'Un dieu chasseur

1981: Publication de L'étranger au ballon rouge (contes)

1991: Publication d'Un été sans aube (coécrit avec Agop J. Hacikyan)

1995: Publication de Secrets de famille (biographie des jumelles Dionne)

De 2005 à 2010: Éditeur chez Groupe Ville-Marie Littérature

2017: Mort à Montréal

PHOTO FOURNIE PAR CAROLE MASSÉ

L'écrivain Jean-Yves Soucy