Après L'arbre du pays Toraja, récit fictif et humaniste dont le sujet était la mort d'un ami, Philippe Claudel nous transporte à l'opposé du spectre dans une France froide, cynique, cruelle.

Le ton d'Inhumaines peut faire rire et sourire au début, mais cette descente dans la monstruosité finit par troubler, voire choquer. En l'absence de toute indication à cet égard, on ne peut même pas se rabattre sur l'idée qu'il s'agirait d'un roman d'anticipation.

Dans ce monde actuel décrit très précisément, tous travaillent pour l'Entreprise. Les humeurs ont remplacé les émotions, le sexe pornographique a fait oublier l'amour véritable et la liberté de tuer a évacué toute idée de respect.

On torture un père Noël un jour et, le lendemain, on tue un collègue suicidaire qui n'avait pourtant plus envie de mourir. On coule les migrants en mer avant qu'ils n'atteignent les côtes et on parque les pauvres dans des camps.

Style cru et direct, chapitres courts. Philippe Claudel manie le scalpel et vise la jugulaire. On referme le livre en se disant que l'Humanité ne saurait en arriver là. Puis, on regarde autour de soi et un léger frisson nous saisit.

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Inhumaines. Philippe Claudel. Stock. 230 pages.