Chaque mois, notre collaborateur vous propose une sélection des meilleurs romans policiers.

L'assassin des ruines: un tueur dans une ville dévastée *****

L'assassin des ruines de Cay Rademacher est le premier roman d'une trilogie mettant en scène l'inspecteur Frank Stave. L'action se passe à Hambourg, en 1947, alors que l'Allemagne affronte l'hiver le plus froid du siècle. Dévastée par les bombardements alliés, la ville n'est plus qu'un immense champ de ruines où les réfugiés et les sans-abri se terrent dans des caves, des bunkers défoncés ou des baraques de fortune. Les aliments sont rationnés et le marché noir est florissant. Le cadavre nu d'une jeune femme est découvert dans les gravats. L'inspecteur Frank Stave est chargé de l'enquête, qui s'annonce d'autant plus difficile qu'il ne dispose d'aucun indice sur l'identité de la victime. Les troupes d'occupation britanniques exigent qu'un de leurs jeunes officiers participe à l'enquête. Les meurtres se multiplient, la peur gagne peu à peu la population. À la fois roman historique et polar d'enquête, ce récit n'est pas une sempiternelle histoire de tueur en série, mais bien le meilleur roman policier que j'ai lu depuis le début de 2017. La reconstitution des conditions de vie à Hambourg est hallucinante et Frank Stave est un personnage sympathique que l'on a hâte de retrouver.

*****

L'assassin des ruines, Cay Rademacher, Le Masque, 332 pages

Ragdoll: casse-tête macabre pour l'inspecteur ! ****

Faites connaissance avec l'inspecteur William Oliver Layton-Fawkes, dit Wolf, qui a hérité du mauvais caractère d'un Harry Bosch et de la tête de cochon d'un John Rebus. Notre homme a toutes les raisons d'être de mauvaise humeur, car il hérite d'une mission impossible : on a découvert un cadavre composé de six victimes démembrées, assemblées entre elles par des points de suture comme une marionnette, que la presse a baptisé Ragdoll, la poupée de chiffon. Le tueur a laissé un message qui annonce les six prochaines victimes, parmi lesquelles... l'inspecteur Wolf. Avec l'aide d'Emily Baxter, une collègue amoureuse transie de son partenaire, de son ex-femme journaliste qui convoite le titre de présentatrice vedette et d'une équipe bien rodée, il se lance dans une traque à haut risque. Mais l'adversaire est de taille... Épouvantail postmoderne et fabulation grotesque d'écrivains de polars à l'imagination morbide, le tueur en série des fictions contemporaines est devenu le cliché des clichés. Mais dans Ragdoll, un premier polar brillant, Daniel Cole en propose une variante originale, dans un récit au suspense impeccable qui vous tient en haleine jusqu'à la finale coup-de-poing qui réserve toute une surprise !

****

Ragdoll, Daniel Cole, Robert Laffont, 454 pages

Jours de haine: quand les chasseurs deviennent des proies ***1/2

Après Traces (2013) et Déni (2014), Jours de haine est le troisième polar d'Anna Raymonde Gazaille mettant en vedette l'inspecteur Paul Morel du Service de police de la Ville de Montréal et son équipe de flics, dont la belle Carolina Cabrini. Tout ce beau monde est sur les dents, car les patrons déplorent un trop grand nombre de crimes non résolus. Depuis quelque temps, les policiers tentent en vain de coincer Jean-Claude Caron, dit Coquel'oeil, qui est soupçonné d'avoir commis une dizaine de meurtres. Mais encore faut-il le prouver ! Par ailleurs, Sara, la femme de l'inspecteur Losier, a disparu et un mystérieux tireur s'amuse à prendre les policiers pour cible. Peu à peu, on en apprend davantage sur les mésaventures de Sara, enfermée et torturée par des inconnus. Quant à l'identité et les motivations du tireur mystérieux, elles sont révélées progressivement alors que l'auteur dénoue fil après fil la trame de cette intrigue ingénieuse où plusieurs éléments sont enchevêtrés. Par la magie de la fiction, que d'aucuns pourraient qualifier d'heureux hasard, les destins de certains personnages vont se télescoper et nous mener à une finale audacieuse, totalement inattendue.

***1/2

Jours de haine, Anna Raymonde Gazaille, Leméac, 252 pages

Les pièges de l'exil: Bernie et le bal des espions ***

Les héros sont fatigués ! Au milieu des années 50, Bernie Gunther, qui est sur la liste des criminels de guerre nazis recherchés, est le concierge du Grand-Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat sous le nom de Walter Wolf. Après une tentative de suicide ratée, il soigne son blues en jouant au bridge. C'est ainsi qu'il fait la connaissance de l'écrivain Somerset Maugham, victime d'un maître chanteur. Celui-ci détient des photos compromettantes où l'écrivain homosexuel figure en compagnie d'Anthony Blunt et de Guy Burgess, deux espions anglais qui ont trahi leur pays. Or, le maître chanteur est une vieille connaissance de Bernie qui a un compte à régler avec cette sinistre canaille. Exception faite de quelques retours sur le passé et de la finale, dramatique à souhait, ce roman s'enlise un peu dans cette reconstitution bavarde des magouilles et des coups fourrés de divers services secrets au temps de la guerre froide. Il y a très peu d'action et beaucoup de bavardage, ce qui n'empêche pas le héros d'être confronté à trois déceptions amoureuses ! Cette série remarquable s'essouffle quelque peu et il serait peut-être temps que l'auteur exauce le voeu de son héros qui affirme à la fin du récit que la mort occupait toutes ses pensées !

***

Les pièges de l'exil, Philip Kerr, Seuil, 388 pages